dimanche 30 novembre 2008

Organisée

Delacroix, La mort de Sardanapale, 1827

Je m'organise. Je travaille la semaine, je suis malade le week-end. Voilà quinze jours que j'ai ainsi réparti mes activités et pour l'instant ça tient plutôt bien.

Fièvre, donc lit et soupe ce dimanche. Un mal de gorge à se la mordre.
Je sens que demain je vais aller au boulot un peu comme le Cid d'Anthony Mann à la rencontre des Maures : sans vie. Vous n'auriez pas un cheval et un corset en fer ?

Puisqu'on parle de morts :
Il y en a eu 195 en Inde, mais voici ce qu'on en dit sur la page d'accueil Yahoo : "Rachida Dati est sous le choc après la mort de son amie, la fondatrice de Princesse Tam-Tam" (illustration : gros plan en photo sur les yeux soucieux de Rachida).
Bon.
A les écouter tous, le point culminant de cette horreur semble être le décès des créateurs de Princesse Tam-Tam, voire le fait que Rachida en soit intimement affectée. La créatrice était mère de famille, souligne-t-on. Les Indiennes qui passaient par là, sans doute pas.
L'arrestation brutale de Filippis ne fait pas non plus grand bruit à la radio. On en parle moins que le bal des débutantes qui a eu lieu vendredi avec les filles de Delon et de Rochefort. Ouah gé-nial... J'ai aussi appris sur Yahoo que les pères de famille fortunés auraient enfin la Porsche de leurs rêves : sportive quand même, mais avec un grand coffre.
Tout n'est pas noir !
(aïe j'oublie que je suis une fille quand j'écris, pardon Ô Dieu des blogs de filles d'avoir causé automobile)
Heureusement que je suis abonnée au Canard, sinon j'aurais l'impression de vivre à Disneyland. D'ailleurs j'aime tellement les journaux avec des noms d'oiseaux que je pense aussi m'abonner à la hulotte.

vendredi 28 novembre 2008

Quatorze ans et demi

Velazquez, Les ménines, 1657


J'ai quatorze ans et demi et ma meilleure amie me parle de plus en plus de cette boîte de nuit où elle sort depuis quelques temps. Je suis fascinée. Je veux y aller avec elle.

Je demande la permission à ma mère. J'aime bien que mes parents soient d'accord avant de faire quelque chose. Ils sont toujours d'accord, mais quand même.

Ma mère n'est pas d'accord. Elle dit que ça se termine en bagarre entre bandes rivales. Je lui réponds que c'est n'importe quoi, que c'est plus comme à son époque, que si c'était vrai il n'y aurait plus de clients parce qu'ils seraient tous morts.

Ma mère ne veut pas que j'y aille, tant pis. Je dis que je vais passer la nuit chez ma meilleure amie. Je n'ai pas pour habitude de dormir chez elle mais là j'ai une excuse toute trouvée : je joue une pièce de théâtre dans son village. Je ne sais pas à quelle heure ça se finit et ça évitera à mon père de venir me chercher. Ma mère est d'accord.

C'est le grand soir. Avec quelques filles de ma classe, nous avons mis en scène des textes de Clavel. J'ai un rôle de vieux barman qui se souvient des crues du Rhône. J'ai un long monologue à la fin. Avant cela, j'évolue en silence derrière de vraies bouteilles, astiquant le comptoir et servant des verres. Par curiosité, je remplis celui d'une des protagonistes avec un alcool qui ressemble à de l'eau. Celle qui lui donne la réplique la voit suffoquer en silence après une gorgée et laisse échapper un rire suraigu. A cet instant, nous ne sommes guère crédibles en papys nostalgiques devisant dans un troquet des pentes lyonnaises.

Mes parents ne sont pas là. C'est la deuxième année que je fais du théâtre et à chaque fois qu'il y a une représentation je leur fais le coup : "Ne venez pas me voir, j'aurai trop le trac !" Ils acquiescent, mon père me dépose et s'en va. A la fin, quand je vois les parents de mes camarades féliciter leur progéniture, je regrette un peu de les avoir écartés.

Ma meilleure amie est là. Nous allons chez elle. Elle habite une toute petite maison au centre du village. Un rideau sépare sa chambre de celle de ses parents. Nous dévalons sans cesse les escaliers qui mènent de la salle de bains à la chambre. Les préparatifs sont à peine moins longs que la soirée elle-même. J'aime ce moment. Mon amie a un nombre incalculable de rouges à lèvre et de parfums sous forme d'échantillons. Elle entreprend ma transformation. Elle dit que si j'y vais comme ça, je vais me faire refouler à l'entrée. Au moindre essai de mascara, je vois un monsieur désapprouver : "mademoiselle, on n'entre pas avec ce mascara".

J'ai les cheveux crêpés tant que faire se peut. Je ressemble à une héroïne de Dallas. Je porte un jean, une brassière moulante, une imitation de grand parfum et beaucoup de maquillage sous mes lunettes en plastique. Des filles du quartier arrivent. Elles sont pour la plupart plus âgées que nous. Nous allons à pied jusqu'à la boîte de nuit, une bonne marche jusqu'en périphérie. Je ne dis rien et écoute les recommandations des grandes de 16 ans.

"- Tu baisses les yeux et tu dis : bonsoir. Tu souris pas. Comme ça : bonsoir.
- T'as dix-sept ans, ok ? 17 ans, ils s'en foutent.
- Normalement c'est 18, si y'a un contrôle ils sont mal alors ils s'en foutent pas.
- Mais ils demandent pas aux meufs ! Ma sœur elle est bien déjà rentrée, elle a treize ans.
- Mais toi t'es une habituée et moi ils me connaissent.
- T'es folle toi.
- Ça veut rien dire. Si ils veulent pas qu'elle rentre ils refoulent tout le monde.
- On n'y va pas toutes en même temps ok ?
- Pourvu qu'on se fasse pas refoul !"

A l'entrée du parking, nous nous scindons en deux groupes. Je me place derrière mon amie de manière à pouvoir l'imiter. Nous ne parlons pas. Nous affichons un air neutre qui se veut celui des clients venus cent fois, blasés jusqu'à l'os. Nous lançons un "bonsoir" en travaillant notre intonation d'habituées.
Les videurs ont un costume noir et les bras croisés. Ils nous suivent du regard. L'un, très grand, tête et corps carrés, cheveux gris et nez à la Belmondo, se tient debout devant le guichet. Un autre, assis sur un tabouret, a un visage maigre et renfrogné. Il ne parle pas. Il porte des santiags rouges avec des têtes d'indiens dessus.

J'entendrais presque l'autofocus de leurs prunelles. Ne tourne pas la tête, Marie-Georges, ta soirée en dépend. Imagine que tu portes une minerve.
Personne n'est refoulé. Je constate que certains hommes entrent malgré une chemise du plus mauvais goût.

mardi 25 novembre 2008

Myope sous les stroboscopes

Seurat, Scène de théâtre, la répétition, v. 1880

"Marche ! Marche !" chuchote mon meilleur ami pour m'avertir de l'imminence de l'obstacle. J'ai 16 ans et je ne veux plus porter mes lunettes. 16 ans, autant de produits cosmétiques sur le visage. Nous sommes dans la boîte de nuit de son village, comme tous les week-ends. Je ne vois rien mais je fais semblant. De toute façon, impossible de baisser la tête pour vérifier s'il y a une marche : ça me décoifferait. Des deux heures passées dans la salle de bains des parents avant de sortir, l'œuvre capillaire occupe bien le quart. J'ai de longs cheveux blonds et je les sculpte de la pointe à la racine. Pas une mèche n'échappe au ratissage contrariant que constitue ma technique de crêpage-décrêpage intégral.

Je ne porte que du noir. Je mets la même minijupe moulante, le même décolleté, la même redingote, les mêmes chaussures à chaque fois, et pourtant il me faut invariablement 30 minutes pour choisir ma tenue. Mon ami, parfois, ça le rend dingue. Le plus souvent, il vérifie le résultat final et corrige le moindre cheveu perdu ou pli de chemisier au millimètre. Il aime bien voir les garçons baver à mon passage. Nous ricanons et nous félicitons lorsque le disc-jockey, posté à l'entrée de la boîte à l'heure de l'ouverture, suit mes jambes des yeux.

Ici c'est gratuit pour les filles et j'ai une boisson offerte. Nous commandons un tequila-gin-vodka avant d'aller nous asseoir à l'entrée. J'aime bien scruter ceux qui arrivent et ceux qui se font refouler. Mon ami va danser. Il ne faut pas qu'on reste ensemble sinon on nous prendra pour un couple. Je reste là en fumant cigarette sur cigarette. Il fait un peu froid mais la musique est moins forte. Des grappes de garçons en chemise passent en me lançant parfois des signes d'intérêt sous forme de grognements réjouis, auxquels je me dois de répondre en fixant le mur de l'autre côté. Je ne distingue pas les visages. Autant ne pas prendre le risque de lancer des œillades involontaires à Quasimodo.

Comme chaque soir, je rêve du prince charmant. Comme chaque soir, ce sera la suprise au moment des slows. Comme chaque soir, il me faudra trouver parmi la faune une âme charitable pour me ramener. Le mieux, c'est de tomber sur un prince avec carrosse : pas besoin de résister aux avances du conducteur.

Une fois, le patron de la boîte se proposa de me raccompagner. Il ne tenta rien et me souhaita bonne nuit en me souriant gentiment. Un type bien. Puis il raconta nos exploits sexuels fictifs à tout le monde. Un type bizarre, finalement.

J'ai, depuis, moins de mal à trouver un chauffeur parmi le personnel de la boîte.

Je me poste près de la piste et réponds indifféremment "non" aux invitations à danser. Je discerne dans l'obscurité un garçon qui gesticule des bras à quelques pas d'ici. Il a l'air de s'adresser à moi. On dirait qu'il veut l'heure. Je m'approche et lui dis que je n'ai pas de montre. Il me glisse à l'oreille "Tu veux danser ?" Je comprends que son mouvement circulaire de l'index mimait moins celui d'une trotteuse que nos corps tournoyant sur Ti amo. Je me sens bête d'avoir avancé vers lui.

Je le suis sur la piste à pas prudents. Je redoute le sempiternel questionnaire "tu viens souvent ici moi aussi - comment tu t'appelles c'est joli moi c'est bidule ". Rien de tout cela. Sa conversation est naturelle. Il a presque mon âge pour une fois : 18 ans. Il ne glousse pas et semble s'intéresser à ce que je dis. J'en suis si surprise que je décide de lever la tête pour voir celle qu'il a. Non seulement il n'arbore nul sourire forcé ou autre expression idiote, mais en plus il a un visage d'ange. Je remercie le dieu des boîtes.

dimanche 23 novembre 2008

Autoformée


Piero della Francesca, la Madone del Parto, 1467

Samedi matin, j'avais rendez-vous à la maternelle où j'officie le jeudi. Les enseignants étaient conviés à une "animation pédagogique". C'est une séance sans élèves, consacrée à notre formation à nous. Nous en avons plusieurs au fil de l'année, certains samedis et mercredis. C'est obligatoire et on ne choisit pas forcément les thèmes mais chut, il faut humeur clémente garder. En tant que quatre quarts de temps, je suis censée être dispensée des samedis mais re-chut, faisons risette. Mon inspectrice est une vraie mère pour moi : elle a décidé des thèmes et des jours à ma place. Sourions de plus belle.

En ce doux samedi matin de novembre, je m'extirpai de ma double couette (oui car les radiateurs, vous vous souvenez, eh bien ça n'est pas gagné) pour m'y rendre. Je ne vous épargnerai pas même l'intitulé de cette animation : "harmonisation des outils de l'école pour travailler la structuration du temps en cycle 1". J'allais gambadant, vers cette promesse d'harmonie avec les collègues du jeudi.

Ce qui devint subtil, c'est qu'il s'agissait d'une animation sans animateur. Nous nous autoanimâmes. Quelle différence entre une animation sans formateur et une réunion d'équipe, me direz-vous ? Ne faites pas de mauvais esprit. La formation sans formateur, c'est comme les écoles sans profs, c'est l'a-ve-nir. Depuis le temps qu'on vous le dit.

Trois heures assis dans une salle sans chauffage, à nous rafraîchir les neurones et le reste. Nulle hôtesse pour nous signifier à quel moment nous étions en zone de concertation ou si nous naviguions bien en terrain d'autoformation. Nous parlâmes clepsydres, sabliers, minuteurs, réveils, cherchant tous instruments accessibles à des mômes de 3 à 5 ans. Les fumeurs frustrés jouaient avec leur stylo. Le café se déversait dans les tasses en doses généreuses. J'avançai l'idée d'une pendule que j'avais fabriquée à (feu) l'IUFM . L'idée d'en doter chaque classe fut retenue. Hop, harmonisation des pendules enclenchée.

Nous dérivâmes en parlant des élèves pour qui le soutien scolaire constituait un traumatisme sans nom. Nous décidâmes d'arrêter de prendre ceux qui pleuraient systématiquement, en avançant l'idée que le soutien scolaire si cher au ministre n'a pas vocation à torturer l'enfant qui voit partir ses copains en récré. Je croisai les glaces à l'eau qui me servaient de guiboles. Gel ? Oui ! Gel du soutien, mesure préconisée suite au mouvement de grève. Nous nous tâtâmes.

Deuxième grève jeudi prochain, cas de conscience. Mon pied battait le rythme d'un cha cha imaginaire. Certains tremblaient pour leur salaire, d'autres de froid, l'une mariait sa fille, d'aucuns ne pouvaient pas ; je pensai à mes élèves du jeudi qui devaient commencer à oublier mon existence, les grèves tombant toujours ce jour-là... Gel des décisions.

Mes collègues remplirent ensuite leur tableau de comptes à rendre, autre nouveauté de l'année. Il s'agit d'écrire la moindre minute passée avec les parents, en réunion, en soutien etc. afin de prouver que nous faisons toutes les heures dues hors classe. Je ne le fis pas. Je suggérai de marquer dans ce tableau le temps passé à le remplir.

Enfin, l'heure du dégel. A moi l'opportunité de décaniller vite et loin !

Je pris le chemin du retour, toute formée que j'étais, en broyant la couleur du breuvage ingurgité trois heures durant. De la même teinte furent les regards que je décochais à quelques malheureux reluquant des bouts de genoux sous ma jupe. "Allez vous autoformer plus loin !", beuglais-je intérieurement. "Coucou, qui est là !" claironnait Eole niché dans mes jupons au sortir de la bouche de métro. Il prenait ma jupe pour sa bougie d'anniversaire. "Couché !" lui ordonnai-je en zigzaguant jusqu'à la rue Bichat.

En lieu plus abrité, j'admirai l'œuvre de Vellefaux que je longe lorsque je reviens du métro. La partie ancienne de l'hôpital Saint-Louis me laisse à chaque fois béate. Je décidai de m'autoformer sur le mystérieux architecte :

Claude Vellefaux, major de sa promotion, reçut son diplôme de l'école royale d'architecture en mille cinq-ou-six cent et des brouettes, puis fut introduit à la cour du roi qui, époustouflé par ses plans, lui confia l'imposant chantier de l'hôpital Saint-Louis.

Moui. Si ça se trouve, me dis-je devant les pierres rougeaudes, ce que j'admire aujourd'hui est ce qui se faisait de pire à l'époque. D'autres projets, tous plus grandioses les uns que les autres, ont fini au poêle. Trop chers pour les malades. Autocorrection :

Claude Vellefaux, architecte au rabais, fut pistonné auprès de Henri IV. Étant, comme tous les monarques, près de ses sous, ce dernier lui ordonna de réaliser une bâtisse sans fioriture :
- "Je n'ai pas un radis. Ma femme compte dilapider l'or de la couronne pour commander notre album de famille à Rubens en 24 tableaux, rien que ça ! Il devient urgent d'ouvrir un nouvel hôpital loin d'ici pour y entasser les gueux contagieux. Je veux un grand machin tout simple.

- C'est un honneur Sire, mais que faire sans idée ni moyens ?!
- On a commandé trop de pierres pour le chantier de la place des Vosges. Tu n'as qu'à les prendre et faire construire des murs avec, cela fera l'affaire.
- Bien, votre Altesse".

Mon moral volait plus bas que la facétieuse bise. Je me repris.

Le petit Claude, futur marquis des Anges, fut repéré lors d'un déplacement du roi dans nos campagnes. Alors qu'il traçait au sol les plans de la pyramide du Louvre avec un bâton, Henri IV lui ordonna de monter dans son carrosse et le ramena à Paris où il le nomma architecte du roi. Claude, dont la mère était souffrante, put désormais envoyer à sa famille de quoi acheter nourriture et soins appropriés. Il persuada Henri IV que les malades avaient besoin d'un dispensaire digne de ce nom avec force moyens et qu'une telle entreprise serait tout à la gloire du roi. Ce dernier en fut séduit et mit à la disposition du petit Claude l'argent nécessaire à la construction du plus grand hôpital jamais édifié au service des déshérités.

Je gratifiai cette dernière version de la note maximale et terminai mon trajet avec la fierté que requiert une telle réussite. C'est drôlement chouette, l'autoformation.

lundi 17 novembre 2008

Marre de café*

Klein, Anthropométries, 1960

Ce n'est pas que je veuille faire une pause, mais cela serait peut-être souhaitable. Mon crâne est tout vide, ses parois d'une blancheur éclatante. Les pensées structurées ont désincrusté le tissu cérébral avant de se jeter en vortex dans une béance artérielle branchée par là. Je me sens lessivée tout net.

En bloguant, je me paie des trips à la Roquentin. Non, ça ne se mange pas. Je cause existentialisme, un peu de sérieux s'il vous plaît. Je constate que ma tête se prolonge en cou, que mon cou se termine en épaules, mes épaules en bras, mes bras en mains, mes mains en doigts, mes doigts en touches de clavier. Cette dégoulinade organisée se meut aux extrémités en faisant tic-tic. Un tic-tic à rendre dépressif un pianiste minimaliste.

Je me sens pionnière de mon espèce dans le cours inéluctable de l'évolution.

J'en suis sûre : nos mains auront de plus en plus de doigts tandis que nos dents se raréfieront, parce qu'on ne tape pas de messages avec (à moins d'être le Jimmy Hendrix du messenger mais cela reste exceptionnel). Nous aurons de la corne de pied sur les fesses.

Nous nous serons adaptés.

Nos cellules oculaires feront directement filtre-écran et notre visage s'illuminera tout seul - comme dans les pubs pour les eaux minérales - afin de survivre en milieu webcamien. Le matin, nous ouvrirons les yeux et nos paupières actionneront la mélodie du démarrage Windows. Nous mangerons des humains "élevés sans ordinateur" au petit-déjeuner.

Dans les séries télé, les rires seront remplacés par des "Lol !" enregistrés.

Les linguistes auront noté qu'après avoir écrit tout en abréviations, on se sera mis à parler comme on écrit puis à transcrire nos nouveaux phonèmes. On lira dans le petit Robert 2312 :

PETEDEAIRE adj., de l'ancien français "pété de rire" (fam) devenu "ptdr" (stand.) : qui est èmdéaire. Litt. "A 7 instant, il fut pétédéaire par terre." (Kévin Houellebecq, Mes lols en terre mongole)

Voilà ce que j'entrevois lors de ces absences pré-épileptiques où mes orbites hagardes gobent leur jus de rayons blancs. Si avec cela, vous ne cernez pas chez moi une lassitude, due sans doute à cette dépendance inquantifiable au blogage, ne cherchez pas plus avant. Vous êtes sûrement, vous aussi, un précurseur de la branche des homos blogus.


*C'est de moi. Si. Je suis blogueuse donc tout ce que je dis est de moi. Maintenant, si un chanteur mort veut me piquer le jeu de mots, même antérieurement à sa création, je n'y pourrai rien.

vendredi 14 novembre 2008

L'humeur du jour


Fra Angelico, La conversion de Saint-Augustin, 1436

mardi 11 novembre 2008

L'Education nationale m'a tuer

Courbet, La truite, 1872

Notre actuel ministre de l'Education nationale prévoit pour la rentrée prochaine la suppression du réseau d'aide spécialisée aux enfants en difficulté (dit RASED, composé d'enseignants formés pour prendre en charge les élèves en rupture avec l'apprentissage dans un ou plusieurs domaines). Il est vrai que former des enseignants, ça coûte cher, alors que le soutien scolaire est une mesure totalement gratuite, qui n'a toutefois pas la même vocation que le dispositif RASED (mais noyons le poisson s'il vous plaît).

Les mots ont un sens. Soutenir, c'est prendre par le bras l'élève qui, sur le chemin de la connaissance, a les jambes qui flageolent. Mettre en place une aide spécialisée, c'est fabriquer le treuil adéquat pour remonter celui qui s'est déjà cassé la margoulette et git (parfois depuis lurette).

Manifestement, moins les gens sauront faire la différence et mieux ce sera, si l'on en juge par le flou artistique du discours qui suit. Tant pis, on n'y verra que du feu ! Et hop ! Magic Darcos ou le Houdini des dispositifs de lutte contre l'échec scolaire. The Darcos side of the moon.

Je vous invite à écouter les explications ci-dessous. Ensuite, je vous propose de pousser des "ah ?" d'étonnement face à la mobilisation des enseignants qui feront encore cadeau de leur journée de salaire à l'Etat pour la grève du 20 novembre prochain.


dimanche 9 novembre 2008

Gloire à quelques blogueurs


Bronzino, Allégorie du triomphe de Vénus, 1545

Je voulais déclarer mon amour à un blog que j'aime, celui de Gaël, en faisant tout comme lui, avec une vidéo à la fin de mon billet (sauf que lui, en plus, ses vidéos, il les fabrique. Allez voir !).

Cette semaine, Gaël a posté un beau billet sur le prix des médicaments. Pour cette raison, et parce que j'aime Weird Al Yankovic, je lui dédicace un clip où l'on voit un chirurgien opérer directement un porte-monnaie. Pratique ! Oui mais lui il peut être cher : il danse comme Madonna. Et puis, comme il dit dans la chanson, le problème c'est que ses patients meurent avant de payer.

Là où j'ai l'air très bête et beaucoup moins expérimentée que Gaël, c'est que je n'arrive pas à mettre cette vidéo à la suite de mon billet, parce qu'elle n'a pas de code gnagna. C'est pas demain que je ferai du plagiat de Gaël. Je voulais, je ne peux pas. Bon, le clip est visible ici.
Like a surgeon, hey, cutting for the very first time...

J'ai quand même une prouesse technique à vanter : si une bouche s'affiche devant mon adresse de blog dans la barre de votre navigateur, c'est grâce à un blogueur célèbre qui s'est pris la head hier pour m'aider à faire ça (c'est lui qui m'a certifié que les blogueurs devaient parler comme Jean-Claude Vandamme lorsqu'ils s'échangeaient des conseils de blogage, ce que Nicolas ne fait pourtant pas trop). Merci Balmeyer !

Qui a gagné le troll d'or de la semaine ? J'hésite entre Dorham et Didier Goux. Dans les deux cas remarquez, ce dernier y est pour quelque chose.
Mais ce qui m'a plus amusée cette semaine, c'est la fête à la grenouille d'Audine et son jeu en commentaire.

Mise à jour : pour une interprétation très fine de l'oeuvre de Bronzino qui illustre le présent billet, lisez à nouveau Gaël, ici cette fois (oui on se renvoie un peu la balle, là. Mais Gaël a un réel talent en décryptage d'image !).

mercredi 5 novembre 2008

Chacun son métier : deuxième couche

Vermeer, La laitière, v. 1660

Résumé de l'épisode précédent (pour Mtislav) :

Le billet d'hier démontrait que l'affirmation scientifique "la chaleur monte" était à relativiser : personne pour me livrer mes radiateurs au quatrième étage. Où j'appris qu'un transporteur transporte mais ne livre pas, qu'un installateur installe ce qui est livré mais ne livre pas ce qu'il va installer, qu'un client sans ascenseur est prié d'assumer son choix de vivre sans le confort moderne en se livrant tout seul.


Le lendemain

- "Allô, mademoiselle Profonde ? Ici la société Déachelle Strasbourg. Nous avons deux colis à vous livrer. Je vous appelle pour prendre rendez-vous. Quelle date vous conviendrait ?
- Hier.
- Pardon ?
- Vous êtes déjà venu hier. Vous êtes reparti avec.
- Je ne suis pas au courant.
MG en aparté
Fichtrebleu, si le gars de Déachelle Paris était monté, ça m'aurait fait quatre radiateurs !
- Alors vous n'êtes sans doute pas au courant que j'habite au quatrième sans ascenseur. Ce fut tout le problème. Le livreur n'a su livrer.
- Si, nous sommes au courant. Grothélec nous a précisé cela. Nous allons mettre en place un système, un taxi ou quelque chose pour que vous puissiez être livrée.
- Un taxi, une roulotte, une girafe... Comme vous voulez. L'idée c'est que ça monte jusque chez moi."

L'aimable strasbourgeoise me fixa un rendez-vous pour mercredi prochain. J'ai hâte de voir le taxi grimper mes escaliers. En même temps, si elle m'envoie vraiment un taxi, j'entends d'ici le dialogue avec le chauffeur.

Marie-Georges cogita un moment sur la polysémie du mot taxi, le sens exact de taxi en patois alsacien, l'instauration d'une "taxe i" pour les habitants des derniers étages et la signification de ce i...
Elle finit par s'allonger. Sa migraine en fit autant.

mardi 4 novembre 2008

Chacun son métier

Giotto, L'ascension, 1305


-"Allô, mademoiselle Profonde ? Ici l'entreprise Déachelle, Je passerai vous livrer deux colis aujourd'hui entre midi et deux heures.
- Parfait.
- Euh par contre je les monterai pas hein, je peux pas. Deux téléviseurs, je ne peux pas.
- Deux téléviseurs ?!

yeux humides, nez au ciel, bouche en dessous, en aparté
Seigneur, qu'ai-je fait pour mériter cela ?

bouche face au combiné
Vous voulez dire deux paquets lourds qui pourraient être des téléviseurs, n'est-ce pas ?
- Oui.
bouche réjouie
- Ce sont mes radiateurs !
- Oui enfin ce que je sais c'est qu'ils pèsent 90 kilos chacun. Vous comprenez, moi je suis transporteur, pas livreur.
- Oui, je comprends. Je ne peux pas non plus les monter jusqu'au quatrième. Je suis institutrice, pas haltérophile.
- Oui je comprends.
- Bon.
En choeur
- A tout à l'heure.

Oreille droite écoutant le numéro de la compagnie vendeuse dans un téléphone portable, doigt composant la même chose sur un téléphone fixe
- Allô Grothélec ? Je suis mademoiselle Profonde. Les radiateurs arrivent aujourd'hui. J'aimerais savoir si un installateur peut venir rapidement, par exemple cet après-midi, car les radiateurs ne seront pas livrés verticalement mais simplement transportés à l'horizontale. Du coup ils vont rester en bas de mes escaliers.
- Ce n'est pas normal.
- Je ne sais pas, je ne suis pas normalienne.
- Je comprends. Cela dit nos artisans sont installateurs, pas livreurs.
- Je comprends. Le souci est que je suis cliente sans ascenseur, pas avec.
- Je comprends. Nous allons contacter Déachelle pour leur demander de vous livrer chez vous.
- Merci."

Vers midi et demie
- Allô, ici le transporteur Déachelle, je suis en bas de chez vous avec les colis.
- Vous avez eu un coup de fil de Grothélec ?
- Non.
- Bon. Je ne suis pas transmetteuse, mais voilà : ils voulaient vous contacter et vous dire de me livrer les radiateurs chez moi.
- Je ne peux pas. Je suis transporteur-livreur, pas livreur-déménageur.
- Je comprends. Quant à moi je suis en haut, pas en bas.
- Je comprends.
- Que pouvez-vous faire ?
- Je peux repartir avec.
- D'accord.
- Au revoir."

De toute façon je ne mets jamais de chauffage chez moi.