vendredi 30 mai 2008

Gloussez, mesdames...

Gloussez, il en restera toujours quelque chose. Surtout si vous vous destinez à une carrière de première dame de France. Voici ce qui fut l'estocade finale portée à mes neurones ce matin même. Comme à mon habitude, c'est les paupières volant bas et les pieds à peine au contact du sol que j'allumai mon poste calé sur une radio publique généraliste.

Après le consternant discours de notre actuelle majorité sur le "démantèlement des 35 heures" (moi jdis ça... Je reprends juste le terme du président de l'UMP, hein, mais il paraît que c'est une boulette. Il voulait dire en fait : "la non remise en cause des 35 heures qui seront juste assouplies". On attend de savoir combien d'heures dures ils comptent fourrer dans une heure souple), je découvre médusée la guillerette dernière info du jour : "Voici un rire, écoutez bien et devinez de qui il provient".

Là j'ai paniqué : "Gasp, suis grave à la bourre moi, déjà le jeu des mille euros !". Mais non. C'était bonnement la touche ludique qui se voulait clore les nouvelles sur une note gaie. Tralala. Entre la page politique rétrograde et la météo, mesdames messieurs, la devinette du journal ! "Mouaaaaarf !" (=première diffusion du gloussement). Une réponse germa immédiatement dans mon cerveau, se jetant décidément sur le premier stimulus venu : "Mpffff bin c'est Carla Bruni tiens." (comme quoi je suis bon public).

"Avez-vous deviné ?" insiste la journaliste jubilant de son affaire. "Ecoutez bien : "mouaaaaarf !" Alors ? Hé oui c'est... Le rire de Carla Bruni, notre première dame de France, capturé hier matin à Rungis par Jean-Pierre Machinchose. Bonne journée et à demain ! "Mouaaaaarf !""

Eh bien moi je dis halte là. Outre le fait qu'on s'en cogne sévère, du pouffement à Carla, je trouve un poil gonflé qu'on nous présente cet enregistrement comme si on venait de déterrer un rouleau de la mer Morte.

Je sais, le fait n'est pas nouveau. Les infos se la jouent de plus en plus people et se parent ainsi d'une fausse provoc visant à nous faire oublier ce que pourrait être une liberté de ton réellement critique. Mais la présentatrice, manifestement émerveillée, articula l'expression "première dame de France" comme si elle mâchait précautionneusement l'huître ayant produit la perle auditive qu'elle voulut bien nous donner à entendre. Ecoutons-la penser. "Admirable, cette Carla, décidément. Voyez comme elle rit. Quelle fraîcheur, quelle sensualité dans le glougloutement ! Ce petit tressaillement guttural est absolument irrésistible. C'est Nicolas qui doit s'amuser..."

Car je crois que le fond de cette poilade en boîte est là. Tout est dans ce que vise à suggérer ladite capture du filet de voix s'abandonnant à un instant de joie. Etant dans l'impossibilité technique d'exhiber les gambettes de notre first lady et regrettant sans doute de ne pouvoir aller jusqu'à nous dégoter un orgasme en son numérisé, la radio a trouvé ce matin un moyen de fournir aux neurones qui se lèvent tôt un court-circuitage onanique leur permettant de se rendormir aussi sec, le sourire aux lèvres. Alors, heureux ?

jeudi 29 mai 2008

Un seul hêtre vous manque

Je m'en vais vous conter mes origines. Vous partez déjà ? Bon. Je vous le concède volontiers, point n'est plus rasoir que l'arbre généalogique des autres. D'abord, personne n'a jamais voulu dire de quel bois se chauffait ce fameux arbre aux fruits familiers. Toi, rescapé-e des premières lignes de ce texte, saurais-tu dire dans quel genre de branches s'étale ta propre lignée ? Chêne (solide ou enchaînant) ? Saule pleureur (quand on a la famille qui flanche) ? Troène (pour clamer "famille, je vous haie") ? Courgette (pour ceux dont les racines courent en souterrain) ? Espèce hybride (courgette pleureuse, par exemple) ? Bonsaï (problème de croissance suite à archivage défaillant) ? Nous y sommes. Quand j'ai vu la belle gravure sur laquelle mon père avait collé les portraits de tout le monde, je me suis écrié, ébahie que j'étais, "ouaaah, mon arbre à moi" ! Oui, c'était mon mien, l'écorce pavoisée par ma trogne à moi. Tout de même, ça fait bizarre de voir ma tronche, née à la Tronche (si, si), collée sur un tronc. L'arbre généalogique a ceci d'étrange que la descendance vient se nicher près des racines tandis que les aïeuls, sur leurs rameaux perchés, semblent nés de la dernière pousse. Ca s'appelle un arbre généalogique ascendant, c'est comme ça et puis c'est tout. Bon d'accord, mais sur mon mien y'a quelques couacs visuels. Les plus vieux ont été portraiturés plus jeunes que les plus jeunes. Visez les visages et vous verrez : la grand-mère de ma mère paraît être sa fille. D'où l'intérêt des ramifications pour remettre un peu d'ordre canonique dans tout ça. Je n'impressionnerai pas les historiens avec ma plante d'intérieur neurasthénique qui s'arrête net aux grands-parents de mes parents pour les branches les plus hautes. Presque personne n'a eu la bonne idée de naître en France, résultat les pousses partent dans tous les sens et mes racines se perdent en cours de route. Mais ce qui me fait bizarre là dedans, ce sont toutes ces paires d'yeux dans le feuillage dont je suis l'extension inconnue de leur vivant. Sans compter les absents qu'on n'a même pas collés tellement qu'ils sont partis vite. J'ai remarqué que je n'étais pas centrée sur ma ligne, je fais bel et bien un pas de côté, comme pour laisser une place à ma soeur disparue, ma copropriétaire d'ascendants. De cette armée de branches cassées, mon père et moi sommes aujourd'hui les seules âmes vives, affairées à en rafistoler sur papier les feuilles tombées. Et qu'est-ce que ce boulot nous branche ! Ca me rappelle un truc. Pendant un certain temps, l'écran de veille de l'ordinateur de mon père était une phrase qui défilait inlassablement. Ca disait : "Un seul hêtre vous manque et tout est peuplier."

mercredi 28 mai 2008

Ma énième mort

J'ai rêvé que j'allais mourir demain. Oh j'étais pas malade ni mourante, non, plutôt l'heureuse élue, inscrite dans l'agenda de la grande faucheuse qui n'avait sans doute rien d'autre à faire ce jour-là. Je ne savais même pas pourquoi ni de quoi mais pas grave, c'était comme ça et puis c'était tout. Je tournais en rond en attendant, ne sachant quoi faire. Avouez que ça se pose là, comme réaction. A la grande question "que feriez-vous si vous saviez que vous alliez mourir demain ?", je trouvai cette réponse bien à moi : les cent pas. Après tout, c'était pas le moment de commencer un régime ou la recherche de Proust. Quant à draguer pour espérer goûter une dernière fois aux plaisirs terrestres, pas simple non plus. Une course de vitesse perdue d'avance, si je prends en considération mes exigences à ce sujet. N'étant pas équilibriste, j'aurais de surcroît trouvé périlleux de prendre mon pied en ayant l'autre dans la tombe. J'effectuais donc seule mes allées et venues. Pas n'importe où : j'étais dans un cimetière et je regardais ma sépulture. Tout était prêt à l'emploi : une sorte de bière micro-ondable avec fermeture facile. Je regardais ce bout de terre creusé, dont la dalle posée un peu de travers laissait entrevoir la profondeur et un côté du cercueil vide, déjà là. En plus j'allais avoir un enterrement express, genre hop on te jette dans la boîte et on ferme tout ! Je tournai en rond de plus belle, non sans avoir frémi au passage à la vue du cercueil. Dans tout ce vide, j' eus une pensée pour ma mère en me disant que ça allait être dur pour elle. L'avantage dans cet épisode étrange est qu'elle était vivante, dus-je en conclure au réveil. Je l'aurai fait revivre juste pour l'angoisser sur ma mort, sympa la fille. Faites des gosses, qu'ils disaient !
Ne soyez pas désolés de ce charmant épisode, les rêves morbides sont une grande habitude chez moi, à croire que mon cerveau part du principe que je ne comprends que ça. Mon activité cérébrale nocturne, c'est un peu ça :
-"Chef, le sujet est en train de rêver qu'elle met des étagères dans son salon.
- Rajoutez un cadavre qui tient la boîte à clous, sinon elle va pas saisir le message.
- Bien, chef !"
La clé des songes, vous voyez ? Bin chez moi, y'a toujours un zombie en porte-clés. Mais passons. Je sais gré à mon cher cerveau de ne pas m'avoir fait peur sur ce coup-là. Car malgré l'intrigue peu amène, c'était pas plus flippant que ça. Et puis je ne vous ai pas tout dit. Je pense à un autre rêve après celui-là, beaucoup plus léger. Mais alors, rien à voir hein. Le genre de truc qu'on pourrait faire en attendant la mort. Pfiou, je vous raconte pas...

lundi 26 mai 2008

Pour une "savoir pride"


Voilà une initiative qu'elle est bonne. Vous possédez un cerveau et pouvez vous déplacer ? Que diriez-vous d'une marche de tous les savoirs en ce mardi 27 mai ? Cette "academic pride" concoctée par le collectif SLR (sauvons la recherche) aura lieu dans plusieurs villes. Pour en savoir plus lisez ça.

C'est la récré !

Et si j'écrivais en 5 minutes, là, tout de suite, pour déclamer, main sur le coeur, "bonjour ma colère, salut ma hargne et mon courroux coucou" comme dirait l'autre ? Ca ressemble fort à du plaisir de râler mais en réalité, là, présentement, j'ai envie de vociférer pour diverses choses. Surtout celle-ci :
- j'ai horreur que les gamins se fassent mal bêtement, se ramassent la gueule sur un coin de meuble, s'ouvrent le menton ou la paupière et se mettent à dégouliner tel Jésus couronné d'épines en plein défilé de croix. Je sais, je devrais me rendre à l'évidence, les enfants sont des casse-cou et ont bien le droit de forger leur profil Indiana Jonesque, de cultiver leur Balboa attitude, de tester leur vocation de futur Rémy Julienne. N'empêche, à chaque fois que je nettoie une blessure je sussure d'une voix flûtée "Ca pique ? Non hein ! Tant mieux. Faut faire attention blablabla..." mais j'ai en fait une envahissante envie d'hurler TU PEUX PAS EVITER DE : T'EXPLOSER TETE LA PREMIERE/T'ECRASER LA FACE/T'OUVRIR LE FRONT SUR : LE BITUME/LE COIN DU BANC/LE TOBOGGAN ?! ARGHHH LA PROCHAINE FOIS JE TE TUUUUE !". Ca me rend dingue. Oui je sais, c'est normal, ils apprennent à pas se prendre les pieds partout, ils sont petits, ils font pas gaffe, ils n'ont pas encore le développement psychomoteur suffisamment abouti pour anticiper et éviter les obstacles, c'est en forgeant qu'on, tout ça. Mais moi je peux pas ; ça me liquéfie sur place de voir des bouts de chou qui me regardent avec de grands yeux humides en me présentant leur plaie béante. Mffff ça me donne envie de pleurer, en fait.
Bon, la fin de la récré sonne déjà, je vais de ce pas aller cueillir dans la cour ceux qui bougent encore.

samedi 24 mai 2008

Symphonie pastorale

Retour au pays du chant des rossignols et des mammifères bêlants. Comme j'aime m'extraire du couac parisien pour retrouver ce fond sonore peuplé de vies et de temps qui prend son temps ! Parce que franchement, le rossignol, il déploie son répertoire comme d'aucuns leur serviette de plage : tran-quille. Pas d'angoisse de l'urgence chez les bêtes du bourbonnais. Vous noterez qu'un bêlement de mouton aussi, ça prend mollement son élan façon cornemuse pour atteindre le volume et la note escomptés. "La ville, c'est une fausse note dans la mélodie de la vie", m'écriai-je, sourire niais et neurones guimauve. Soyez indulgents. Je vous mets au défi d'écrire de la même façon au milieu des klaxons et des interpellations de rue qu'en plein chuchotement de feuillages. Gazouillis ou gazole, autre combat. De même, je vous parie un trèfle à quatre feuille que vous ne causez pas pareil sur une moquette synthétique premier prix collée par-dessus la dalle de béton de votre chambre de bonne avec vue sur carrefour ronflant, que la voûte plantaire chatouillant les tomettes d'une ferme empoutrée de chêne massif, dressée au milieu d'un tapis de verdure vallonné. Votre débit, le volume de votre voix, votre intonation, le choix de vos mots, tout s'en trouve changé. Oui ! Comme le père de Lucie, je défends bec et griffes la thèse environnementaliste, que j'étalerais jusque dans le processus de l'écriture. Et pour cause : les effluves de pétrole ou d'herbe fraîche influent sur ma façon de respirer, donc sur mon inspiration. Ma colonne vertébrale s'anime de cliquetis réjouis quand je me balade au beau milieu de la campagne, comme si le fait de m'imaginer en quadrupède ongulé galopant dans les prés réglait mes maux autant que mes mots. Peut-être même que mes poils accélèrent leur pousse ? Meuh non. Faut pas pousser (injonction à l'adresse de mes poils). Tout ça n'est qu'un cadre. Fut-il splendide, il n'est qu'une verte marquise pavoisant l'unique élément d'importance ici : le personnage qui, Gitane au bec et yeux rivés sur les cieux, guette un rayon de soleil pour aller tondre son jardin, planter des radis et nourrir les chats du hameau. Vous ai-je déjà dit que j'aimais mon père ?
Note : le titre est délibérément piqué à une chanson que j'aime, où l'on se promène dans une forêt de titres, écrite par Brigitte Fontaine... que j'aime.
Note 2 : A propos de couac, je suis au diapason avec le Canard enchaîné - que j'aime -, qui titre cette semaine "A l'UMP, on ne sait plus qui fait couac !" Hi hi hi !

dimanche 18 mai 2008

Mon régime allégé (en culpabilité)

J'ai enfin trouvé le régime alimentaire le mieux adapté à mon cas. Jugez plutôt. Pour perdre du poids rapidement, il est totalement inefficace. Et ça, c'est bien sa qualité première puisque, vous en conviendrez, les pertes de poids express sont dangereuses et déséquilibrantes. En pratique, ce régime se résume à un seul précepte, mais ne croyez pas qu'il soit simple à suivre pour autant. Ce principe unique s'avère pour moi extrêmement complexe à mettre en place.
C'est d'ailleurs cette complexité qui m'a immédiatement séduite, car elle est à l'image de la vie : rétive à toute simplification outrancière. En voici la règle fondatrice : "il est interdit d'interdire" (oui, je sais, même mon comportement alimentaire est teinté de gauchisme, on se refait pas). Hé bin c'est pas de la tarte. Vous y arriveriez les doigts dans le nez, vous ? Je m'adresse en particulier aux filles qui ont testé, inventé, suivi des dizaines de régimes depuis qu'elles sont en âge de choisir quoi manger, dans le but de perdre deux kilos imaginaires, d'être en meilleure santé, de sauver les animaux, d'avoir moins de boutons, d'éviter un cancer futur, d'arrêter les dégâts ou que sais-je, mais qui ont toujours trouvé une bonne raison de contrôler leur assiette. Car j'en suis. Dans mon cas il s'agit de s'attaquer, non pas à un problème physique de régulation du poids, mais à un trouble psychologique. Cela fait maintenant un paquet d'années que ma nourriture est mentalement prémâchée avant ingestion. Vitamines, minéraux, protéines, pesticides, bio, graisses animales et végétales, saturées, insaturées, non hydrogénées, lait cru, entier, écrémé, délactosé, chèvre, vache, soja, pain complet, bien, mal, autorisé, interdit, à la rigueur, à volonté, deux carrés pas plus, allergène, indigeste, oui mais cru, oui mais cuit, épluché, surtout pas épluché, sucre caché, gaffe au sel, calorie ostensible, vrai repas, collation, mauvaise habitude, bon réflexe, boire entre, pas pendant, le fruit en entrée, la viande le matin, végétarisme, carences, fatigue, énergie, régime Kousmine, régime Seignalet, alimentation dissociée, chrononutrition etc. OUI je suis passée par tout ça.
Certes, j'ai été élevée comme ça. A la maison, on ne mangeait que des légumes à l'eau sans sel. Ca nous "autorisait" ensuite à vider des paquets de gâteaux entre les repas puisque nous n'avions "pas abusé". Petite fille, j'avais pour le goûter une galette de fruits secs compactés dure comme du bois, achetée en magasin diététique. Quand je rentrais du lycée, ma mère ne voulait savoir qu'une chose : ce que j'avais mangé à midi. Si je répondais "un kebab", elle ponctuait d'un "Ohlala, c'est GRAS !". A la maison, nous avions des livres qui nous disaient d'aller manger à même le potager sous peine de mort nutritionnelle imminente de notre récolte, 15 minutes chrono après cueillette. Le même gars ajoutait "cuire un chou, c'est le transformer en poison". J'avais drôlement flippé. Quand on est jeune, névrosée et qu'on veut faire les choses bien, vous imaginez ce que ça peut donner.
Depuis, je trimballe ces curieuses habitudes de penser les aliments et leurs quantités en terme d' "autorisé/interdit", ce qui en clair signifie la porte ouverte à tous les désordres alimentaires. Niveau silhouette, une chance : j'ai jamais eu de surpoids, ce dont souffrait en revanche ma maman, jolie femme plantureuse qui répétait inlassablement "je suis obèse" et nous regardait, mon père et moi, non sans envier notre nature plus proche de l'asperge que du fruit rebondi. J'ai toujours fait l'accordéon au gré des périodes "ne mange rien/"ne fait que bouffer", sans pour autant passer à la catégorie "surpoids médicalement attesté". C'est toujours ça de gagné mais... Au niveau santé c'est très moyen, ces sauts permanents d'un extrême à l'autre. Et puis le problème n'est pas vraiment dans la définition de la silhouette idéale pour moi, il se situe plutôt dans la tranquillité d'esprit que je cherche encore. A savoir : pouvoir penser à autre chose qu'à la bouffe. Parce que là, de deux choses l'une. Ou je ne fais que manger toute la journée et du coup je n'ai plus le temps de faire autre chose, ou j'arrête de manger et je ne pense qu'à tout ce que je n'ingèrerai pas.
Si je peux vous en causer, c'est aussi parce qu'une psychothérapie a permis de faire le tri dans tout ça. "Ca vous évite de penser à autre chose, reste à savoir quoi", m'a lancé mon psy au cours d'une séance. Pas con. Résultat des courses, j'ai fait des progrès et ai commencé à mettre en pratique une façon de manger plus décomplexée, l'objectif étant que cela occupe le moins d'espace possible dans ma cervelle. En clair donc, il est interdit d'interdire. Je suis mes envies et tant pis si c'est n'importe quoi. Tant pis ? Evidemment pas tout à fait, mon esprit s'affole, je vois déjà se profiler une mort imminente, la grande faucheuse qui se rapproche en sifflotant, suivie de l'autopsie avec cette sentence sans appel prononcée par un médecin légiste impassible : "Son sang s'est transformé en pâte sucrée. Le coeur n'a pas supporté. Elle est morte d'un excès de chocolat". Oui, bon... Que celles et ceux qui n'ont jamais culpabilisé me jettent la première cacahuète.

samedi 17 mai 2008

La névrose d'en haut

Un peu de poésie patronale, ça vous tente ? Youpi !
  • "La liberté de penser s'arrête là où commence le code du travail" c'est beau, c'est du Parisot. Ou comment culpabiliser les salariés qui ont acquis leurs droits au prix d'âpres luttes en les faisant passer pour responsables de tous les maux de l'économie française.
  • Elles sont belles, elles sont lourdes, mes "charges sociales". Une exquise expression façonnée par le patronat pour désigner les cotisations (terme juridique exact). Marteler qu'il faut alléger les "charges" sociales, c'est suggérer qu'il faudrait alléger notre salaire indirect, les cotisations santé et retraite qui nous reviennent. Précisons que les patrons de grandes entreprises qui claironnent misère sur leurs "charges" se font un salaire net annuel de 176 900 euros en moyenne (chiffres insee ici).
  • "La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ?" ou l'apologie de la barbarie. Laurence Parisot, 276è fortune de France, balaie d'un revers de manche les progrès de l'humanité depuis le néolithique et invite ceux qui ont pour unique capital leur force de travail à recommencer à en baver dans tous les domaines. Pendant ce temps, en France, les bénéfices et marges des grandes entreprises - pourtant accablées par les charges, le smic et les incitations à embaucher en cdi (horreur !) - sont en constante augmentation. Un miracle, sans doute.

    A ce stade-là, ce n'est plus de l'esprit d'entreprise, c'est une irresponsabilité citoyenne paroxystique, une inclination perverse pour l'usure des travailleurs à leur tâche assortie d'une boulimie pécuniaire aggravée. Je crois intimement que ces gens d'en haut sont de grands malades.

vendredi 16 mai 2008

Il est beau, mon taux

Je me sens un tantinet futile dans les grandes décisions. Je visite des apparts et paf, mon choix se porte sur celui dont l'adresse me sied le mieux à l'oreille. Quand on habite la rue de la fontaine au roi, celle de la grange aux belles ou, dans un registre plus frémissant, de la grande truanderie, on doit sûrement avoir des tas de choses à raconter. Enchantée d'avoir débusqué un petit palais (un peu comme le château de Versailles, mais ramassé sur 20 m2) dans une de ces rues à fort potentiel narratif, j'entame la tournée des banques à la recherche d'un crédit immobilier. Le but du jeu, c'est que les taux se resserrent, d'où un inconfort certain. Je croyais que je serais nulle en négociation, mais en fait ça s'est plutôt bien goupillé. Négocier, ça me paraissait terrible, atroce, insurmontable, pas moi, à l'aide, et puis bon, c'est comme le dentiste, c'est pas qu'on y retournerait avec plaisir mais c'est moins affreux que l'idée d'y aller. Négocier donc, ce n'est pas avoir une chemise plus blanche que les autres et une tchatche d'enfer, non, non ; au contraire, il vous faut juste une phrase et un réflexe de Pavlov :
a) dites "pourquoi vous êtes plus chère que les autres banques ?" ;
b) pratiquez l'écholalie des chiffres. Il faut absolument répéter tous les chiffres qu'on vous donne. Exemple : on vous dit "C'est 300 euros", répondez "300 euros !", c'est tout. On vous précise alors : "oui, mais ça se négocie". Reprenez alors à a). Et ainsi de suite jusqu'à proposition concluante.
Vous l'avez compris, j'ai enfin trouvé ma banque. J'ai choisi de signer avec une conseillère dont le prénom évoque celui de mon héroïne de dessins animés préférée. Elle ne peut pas faire partie des méchants. Et puis une agence située rue de Provence, c'est forcément plus chaleureux.

lundi 12 mai 2008

Sur le fil

De chez moi à la station de métro je suis morte deux ou trois fois. Arrivée au pied de la bouche, je me suis pendue. Une vraie gaffe : je n'avais pas vu le fil tendu en travers de la rue. Pourtant c'est pas la première fois que je les repère, noués comme ça pour me barrer le passage. Mais d'habitude ils sont plutôt accrochés à la plus haute marche des escaliers, que je dévale alors tête la première. D'ailleurs, après cette pendaison fatale, j'en ai justement trouvé un comme ça. J'ai fait bien attention à l'enjamber, celui-là. Puis la machine a avalé mon ticket.

J'ai vu que le métro était là, toutes portes ouvertes. Je n'ai pas eu envie de courir et tandis qu'il repartait je trouvai ça inhabituel. En règle générale, l'air sous terre provoque chez moi une envie frénétique de doubler tout le monde. Là, je flânais où il n'y avait rien à voir, mes sandales résonnaient sur les marches carrelées et j'étais toute seule. Sur le quai, les minutes lumineuses me mirent de bonne humeur. J'aime bien les minutes du métro parce que chacune d'elles est unique. Il y a la minute qui dure vingt secondes et celle de trois minutes, et toutes les autres.

Voyant qu'il me restait trois minutes à durée indéterminée, je me rapprochai d'un panneau d'informations en repensant à ma dernière mort. Où avais-je pu pêcher cette cordelette vicieuse ? Une très vieille histoire me revint de je ne sais quel tréfonds où elle était enfouie. Je me remémorai une mort familière, une étrange pendaison qu'on avait jugé bon de ne pas m'expliquer. Je devais avoir six ans. Un soir, devant la vieille maison aux chats qui jouxtait notre jardin, la voisine avait été retrouvée pendue à sa corde à linge. Ma copine avait accouru à toutes jambes m'annoncer ça :

- "La dame des chats, elle a été trouvée morte, c'est mon papa qui l'a dépendue !
- Mais comment elle s'est pendue ?
- Elle a descendu l'escalier, y'avait la corde à linge en travers, elle l'a pas vue et ça l'a étranglée !"

J'y ai réfléchi longuement. Il y avait quelque chose qui me paraissait mystérieux scientifiquement parlant. Sans plus d'explication, je finis par me dire qu'il fallait faire attention avec les étendages.

Au cimetière du village, notre voisine avait été placée à côté de ma grande soeur, décédée quelques temps auparavant. Je m'étais demandé si c'était parce que nos noms de famille commençaient par la même syllabe ; j'ai pensé qu'ils rangeaient peut-être les tombes par ordre alphabétique. J'étais au CP.

Je suis entrée dans le métro avec le linge, les chats, les pierres et un vague sentiment d'incongruité.

dimanche 11 mai 2008

Couleur café

Je me suis réveillée plusieurs fois cette nuit et quand ce fut la bonne, j'étais dans une position délicate : encore allongée et déjà levée du pied gauche. J'ai réfléchi vite fait et ai décidé de rater ma journée d'emblée, en annulant par exemple cette sortie que j'attends depuis une semaine. Forte de ce choix, je me suis levée.
Une légère envie de meurtre m'a traversée quand je me suis rappelé que je n'avais plus de café.
Finalement c'est pas tellement possible d'écrire dans cet état sur cet état.

vendredi 9 mai 2008

Félicitations

On m'a adressé deux fois des "félicitations" aujourd'hui. Voulant savoir si :
- j'avais accompli un exploit ;
- ça avait un rapport avec le fait d'atteindre la félicité ;
- on me sommait de me transformer en Félicie ;
j'ai regardé dans le dictionnaire. Rien de tout ça. Dans le premier cas on m'aurait sans doute dit "bravo", dans le second quelque chose que je n'aurais probablement pas entendu dans un tel état, pour le troisième je confondais peut-être avec la félicion ou quelque chose d'approchant. Les (plurielles) félicitations sont des "compliments que l'on adresse à qqun pour lui témoigner la part que l'on prend à ce qui lui arrive d'heureux", dixit le premier de mes deux Robert. J'étais drôlement contente. Je venais d'apprendre qu'il m'était arrivé quelque chose d'heureux, et qu'en plus d'autres avaient pris joie à cette nouvelle. Savez-vous ? J'avais donné un instant souriant, un coin de paradis, un bout de bonheur à un courtier et à un directeur d'agence immobilière. Et ça "c'est vachement bien, ils doivent en avoir rudement besoin avec le métier qu'ils font", me félicitai-je à mon tour. Il m'a quand même fallu un temps pour chercher ce qui était heureux pour moi aux yeux de ces deux congratulantes personnes. Je me remémorai l'objet de ces compliments. L'agent, dans une missive jointe au compromis de vente de mon futur appartement, me félicita de mon choix. Il est vrai que, parmi tous les biens en vente, je ne souffris pas longtemps d'hésitation à prendre celui de 20 m2. Mon courtier, la voix teintée d'une hystérie contenue, me félicita au téléphone d'avoir reçu des propositions de prêts des banques qu'il avait contactées. J'en restai sans voix jusqu'à ce que mon dictionnaire me confirme que je vivais des moments de pure allégresse partagée. Revoir le crédit Gricole pour s'en convaincre.

Le don du don (mon père ce héros)

Aujourd'hui c'est une journée placée sous le signe du compteur. Je viens d'ailleurs d'en ajouter un à mes pages. Comme il n'aime pas les chiffres gonflés, il ne vous comptera qu'une fois dans la journée puis il se remettra à zéro à la fin de celle-ci. De mon côté, je vais aller compter les sous qu'on me prêtera peut-être. Ca va vous sembler dingue mais j'ai drôlement plus envie d'être à la campagne chez mon père que de visiter des banques. Je me prépare psychologiquement en griffonnant tout en buvant un café turc dont j'ai (fini par avoir) le secret (à force de casser mes cafetières).
Lors de mes dernières vacances chez lui, mon père voulait me donner une de ses douze cafetières, mais elles étaient toutes bien trop grandes pour ma studette parisienne. Il aurait fallu qu'elle occupe tout l'évier, ou qu'elle soit posée sur ma deuxième plaque électrique (la première étant déjà squattée par la bouilloire), bref j'aurais passé mes matins à contourner l'engin. J'ai expliqué. Alors il a cherché dans son placard à théières, puis dans l'armoire à tasses. Il en a sorti une spéciale tisane, même que y'avait écrit "la tisanière" dessus, avec un entonnoir de faience incorporé. Il m'a dit "T'auras qu'à découper un rond de sopalin, le placer dans l'entonnoir et hop, une tasse-cafetière !" Mon père il trouve toujours des solutions. J'ai continué sur ma lancée "Bin j'achète pas de gros rouleau d'essuie-tout, trop difficile à ranger. Et puis j'ai pas d'emporte-pièce pour découper des ronds de Sopalin." (chiante, moi ?). Face à mon immuable désarroi et mes inextensibles mètres carré, il m'a donné la recette du café turc. Il est comme ça mon père. Si j'ai un problème il va chercher quoi faire jusqu'à ce que ça marche. Et puis un jour ça m'a pris. A force d'hésiter à acheter une brique de lait d'avance parce que je n'aurais pas su où la ranger, j'ai voulu acheter un appartement. Il me fallait au moins 4 m2 supplémentaires pour y caser cafetière, rouleaux de Sopalin et briques de lait à mon aise, tout en restant à Paris vu que j'y travaille et que c'est joli. J'ai appelé mon père pour lui exposer mon souci : comment réunir des sommes folles pour espérer acquérir un deux pièces dans cette ville hors de prix ? Hé bien vous me croirez si vous voulez, mais sa première proposition fut la suivante : "Bin il faut vendre la maison". En gros, il se voyait quitter sa ferme et son jardin pour récupérer de quoi me payer un logement. Je veux bien être chiante mais de là à plumer mon père... Je l'ai donc invité à trouver d'autres idées, comme il sait faire. Il a trouvé une autre idée. Alors j'ai pu trouver un appart. Voilà pourquoi aujourd'hui je peux aller courir les banques.
Ce jour-là, j'ai repensé à ce qu'il avait dit de sa mère, disparue l'an dernier. Pour son enterrement à Lyon, nous avions été accueillis chez ma tante maternelle. Mon père lui avait raconté que sa mère était du genre à se priver de manger pour donner sa part à quelqu'un qui n'avait rien. Je me souviens que ça ne m'avait pas étonnée. Je la revoyais donnant de l'argent à tous les gosses de son HLM "parce que les petites pièces ça m'énerve". Elle était d'une douceur joyeuse et passait le plus clair de son temps à penser aux autres. Elle disait "oui, ça va" d'une voix se voulant guillerette, sur son lit d'hôpital. Ne jamais se plaindre était une vieille habitude. L'injustice de sa disparition se doublait de celle de l'anonymat des gens bien. Une perte pour l'humanité qui n'en savait rien, ça me foutait en rogne. Le jour de la cérémonie, nous serions deux à lui dire au revoir. Pour me consoler, je me mis à supposer que, lorsque quelqu'un d'aussi généreux mourait, il y en avait sûrement au moins un pareil qui naissait. Pareil, autant que, égal à ? Bof, impossible. Sauf que l'idée était parfaitement idiote. Ma grand-mère n'avait pas attendu de mourir pour transmettre à son fils ce don de donner.

jeudi 8 mai 2008

Mai et son mystère

Quand j'étais petite, je me posais beaucoup de questions (ce qui en soi est assez idiot : d'évidence on sera bien incapable de se répondre, mais passons). Les parents, pas la peine, on sait très tôt tout ce qu'il est inutile de leur demander. On essaie quand même hein. Mais on se retrouve avec des "humpff" et on n'est pas plus avancé. Heureusement, y'avait la télé. Le problème, c'est qu'à la télé y'avait plein de trucs bizarres. Du coup je me retrouvais avec des questions que j'aurais jamais eu l'idée de me poser avant. Malin, ça. Parmi les interrogations qui demeurent à ce jour, celle-ci : qu'est-ce que les gens nés en mai ont de supérieur aux autres ? [Si quelqu'un peut m'éclairer à ce sujet, merci de répondre en cliquant sur "crissements de plume" ci-après] Taraudée jusqu'à la moelle par ce mystère, j'ai voulu faire toute la lumière sur cette affaire. J'ai essayé de me faire des amis nés en mai. Au bout d'un moment, j'ai réussi à me faire des amis nés en mai. Plus tard j'ai eu des petits amis nés en mai. Las, malgré mes efforts, pas le moindre indice précis ou approché en la matière. Un problème insoluble dont je me serais passée, en somme. Eh bien ça, c'est la faute à un épisode de Candy visionné à l'âge où je collectionnais les images de footballeurs Panini (à l'époque j'avais Giresse en plein d'exemplaires, c'était énervant de toujours tomber sur lui, ça coûtait cher ces trucs, et à chaque fois que j'ouvrais la petite pochette jaune, blam ! J'y suis Giresse. Pour sûr, je suis pas prête de l'oublier, la tête d'Alain Giresse. Mais c'est une autre histoire). Candy donc, la gentille blonde, attise la jalousie de la méchante rousse Elisa. En effet, elle va participer au bal du printemps et elle sera habillée en princesse PARCE QU'ELLE EST NEE EN MAI. L'autre pimbêche, non seulement elle est rousse, mais en plus elle pourra même pas aller danser en princesse parce qu'elle est pas née en mai (ou alors si, mais elle veut être la seule. Je ne sais plus, bref). Alors elle fait des pieds et des mains pour démontrer aux autorités compétentes que Candy n'est pas née en mai. Il est vrai que la date de naissance de la (très) gentille héroïne est sujette à caution. Après tout c'est une enfant trouvée par terre un jour de neige donc on n'en sait rien. Tout le suspens de l'épisode repose là-dessus. Moi bien sûr, j'étais en nage devant mon écran : pourvu qu'elle soit née en mai ! Mon profond sens de l'éthique m'interdit de vous révéler l'épilogue de cette histoire. Sachez tout de même que depuis ce jour, lorsque quelqu'un me dit qu'il est né en mai, je le considère autrement. Croyez-le ou non, mais le cas échéant, il arrive TOUJOURS le moment où mon esprit, alerté par cette information de haute importance, conclut la chose suivante : "lui/elle peut aller au bal du printemps".

Je profite de l'occasion pour souhaiter un excelllllent anniversaire à Christian. Vous l'avez compris, je suis affreusement jalouse de sa date de naissance. Non seulement il est né en mai, mais en plus c'était le 8 mai 68. Avouez que ça en jette.

lundi 5 mai 2008

La face cachée du soleil

Depuis deux jours, il fait beau et chaud. Comme ça, sans prévenir, le ciel a viré du gris à bouclettes au bleu rayonnant. Au fait, vous savez pourquoi il est bleu, le ciel ? C'est azurément simple. L'atmosphère est remplie de petits atomes qui mangent tous les rayons lumineux, avec plus ou moins d'appétit. D'ailleurs les rayons bleus c'est dégueu, en tout cas ils aiment pas du tout ça. Alors ils nous les recrachent. Et voilà le travail ! Pire, on vous a dit comment ça se fait qu'on a plus chaud à cette époque ? C'est en fait la faute de la planète qui présente nos têtes au soleil dans une rituelle inclinaison, de manière à ce qu'il puisse jouer aux fléchettes sur nous sans nous rater. En hiver, tout ce qu'il peut faire à la rigueur, c'est nous frôler de ses rayons, nous caresser la tête. Alors on le sent à peine. Six mois plus tard, grâce à cette révérence terrienne très protocolaire, il nous les plante tout drait dans le haut du crâne, ses rayons. Eh bien, vous me croirez si vous voulez, mais quand le vomi d'atomes est à son comble, et lorsque le soleil commence à embrocher les humains, ces derniers exultent et se tortillent au bout de ses piques. C'est comme ça qu'on reconnaît l'été ici.

Une belle journée de mai à Paris et c'est bien simple, le jardin du Luxembourg se transforme en rame de métro : un monde fou et pas la moindre place assise. J'imagine aujourd'hui Seurat voulant y peindre une oeuvre du genre de la grande Jatte. Il n'aurait pas son pareil pour rendre la luminosité des lieux avec sa technique divisionniste (ou pointilliste, pour ceux qui préfèrent ce terme teinté d'ironie). Ensuite, il ne lui resterait plus qu'à mettre des yeux et une bouche à chaque petit point de son tableau pour figurer la densité humanoïde. On appellerait peut-être ça le multipliyisme.


Depuis deux jours, les chaises des terrasses ont des allures de champs de tournesols, le bitume et nos pieds vite ampoulés libèrent leurs âcres parfums ; sous les toits en zinc et derrière les baies vitrées, la grillade humaine court siroter un breuvage industriel ruineux dans le bruit des moteurs. Oui, le beau temps en ville, ça a quelque chose d' incohérent. On savait déjà que la vie citadine n'est pas tout à fait normale, la clémence des éléments vient nous le rabâcher. Alors on fait ce qu'on peut avec cet encombrant don du ciel.

samedi 3 mai 2008

Le premier sexe

Y'a un concours qu'est vachement sympa dans l'idée, c'est celui de Zoridae. Dans l'idée, parce qu'en pratique je me suis beaucoup fait peur. L'idée c'est donc d'écrire un texte en se mettant dans la peau d'un personnage du sexe opposé. Je vous raconte pas les réactions primaires et autres images peu flatteuses qui ont fusé dans ma tête. Faites le test. Dans un deuxième temps, j'ai écrit le texte ci-dessous. Mes amis et confidents du sexe fort se reconnaîtront-ils, sachant que j'ai tenté de créer un personnage à partir d'un savant mélange tout dilué ?
"Le patron est tombé sur ma boîte mail. Quand je dis tomber... Il a plongé dedans yeux écarquillés et, patinant sans vergogne du doigt sur la molette, il a tout vu. Je sais pas comment j'ai pu oublier de fermer mon compte, encore moins d'éteindre la bête. Je crois que j'étais au téléphone avec ma femme en partant ce soir-là, je me souviens pas. C'est sûrement ça. Après quatorze heures de boulot, quand je suis bien vanné, c'est toujours à ce moment-là qu'elle croit bon de jouer les sirènes d'alarme. Ca ne sert à rien : je vais rentrer. Je lui ai expliqué plusieurs fois : savoir que je vais être battu à froid à mon retour me donne plutôt envie de bosser encore un peu. Mais madame semble se complaire dans le reproche contre productif : mauvais mari, père absent. Pourtant elle saurait me faire accourir... Elle s'y prendrait par exemple dès le matin. Avec trois fois rien elle pourrait m'enchaîner à son souvenir, me flanquer un sortilège bien à elle, me coller une persistance rétinienne à me rendre dingue. Un regard un peu appuyé assorti d'un "à ce soir" sussuré de sa voix chaude et je serais programmé pour la journée sur le mode "retour". Elle aurait l'oeillade assassine ; je la vois d'ici, les paupières en amande battant sur ses vastes prunelles humides façon manga érotique. Seulement voilà, user de ses diaboliques attraits lui effleure de moins en moins l'esprit. "Non seulement t'es pas pressé de voir ta famille mais en plus il faudrait que je t'accueille la fleur au fusil, le sourire au lèvre, le string tendu et la vaseline dans la main gauche tant qu'on y est ?!" J'aime bien quand elle s'emporte, c'est toujours là que point son humour un peu trash.
Ca devait être un de ces soirs-là, longue journée de travail et ambiance électrique au bercail. Le boss a dépiauté tout mon courrier de la semaine. Il a vu ce que je fomentais dans son dos à lui. Devant ses yeux a défilé tout l'historique de mes recherches. J'ai été convoqué. "Alors comme ça, en douce, sans prévenir, tu prépares ton départ de la boîte ?" a-t-il balancé sans ambage. Puis il m'a grassement augmenté."

vendredi 2 mai 2008

Substantifique mâle

L'homme idéal, c'est quoi déjà ? Ah oui, un monstre. Un truc anti loi physique : un tout égal à la somme de ses parties. Il se compose de plein de bouts de vrais humains desquels on aurait extrait l'attrait (le reste n'étant qu'épluchures). Et surtout, il n'existe pas. D'accord, d'accord, mais tout de même, il me fait rêver deux secondes alors je ne vais pas me priver d'en concocter un. Je propose donc aujourd'hui un atelier Mâlo-moulage. Tou(te)s à vos meilleurs morceaux ! Je vous préviens, le mien risque d'être particulièrement gratiné. Je suis atteinte depuis mon plus jeune âge par la goût-bizarrerie. A tel point que je me suis longtemps demandé si mon coeur n'avait pas l'esprit de contradiction. Tomber raide amoureuse de Spock à 14 ans, avouez que c'est le meilleur moyen de choper le complexe "brebis égarée" face à ses copines de collège. Mais passons à la pratique. Je rends ci-après ma copie (non sans espérer être entendue des dieux). Mon clone multifonctions possède le corps de Hulk mais la grâce féline au combat de Bruce Lee. Il a la créativité fantaisiste de Gotainer avec le génie de Léonard de Vinci. Côté humour il fait mouche avec simplicité et intelligence tel Pierre Dac. Sa voix est celle de Toto Cutugno mais quand il chante il peut swinguer comme Charles Trénet, dont il a l'optimisme récalcitrant. Par contre il danse comme Michaël Jackson. Il a le talent politique d'un Rocard qui aurait gardé des idéaux à la Besancenot. Oh, et puis allons-y... Il écrit comme Kafka et peut raconter des tas de choses passionnantes comme Jacqueline de Romilly et Anne Cheng. Il est gentil comme Candy Neige André. Il manque quelque chose au bonhomme ? Vous dites... au pieu ? Zut je sais pas, j'ai couché avec personne de célèbre. Mais je veux bien lui accorder les mensurations de Gaston dans la chanson de Juliette. Tiens et pour finir, si je lui collais le visage de Scarlett Johanson ? Je fais ce que je veux !

jeudi 1 mai 2008

Mon royaume pour la tête à Toto

Je viens clamer mon innocence. C'est pas de ma faute. On ne choisit pas ses amours, ce sont elles qui viennent sournoisement nous habiter un jour, alors même que nous ne les avions pas sonnées. Jusque là rien de rare : Cupidon aux yeux bandés est une vieille histoire qui n'est pas née du dernier film romantique. En revanche, je ne m'explique pas qu'un phénomène aussi adolescent que la midinette attitude vienne frapper haut et fort à mon âge vénérable. De surcroît, l'objet de mon trouble n'est pas avouable, ou comment admettre qu'à 35 balais on écoute de la daube le sourire aux lèvres alors qu'on se réclame du jazz et de la grande chanson française ? Oh, je vous vois venir me secouer : "On peut bien écouter Brassens pour les textes et Madonna pour s'agiter sur les pistes, rien d'incompatible... C'est quoi ce complexe à deux balles que tu nous fais ?!". Ok... Vous vous souvenez de ce sketch des Nuls où l'on voit le pauvre Bruce Banner se transformer en Hulk parce qu'il n'arrive pas à ouvrir sa brique de lait ? Je vous parle bien d'une métamorphose de cet acabit, involontaire, immédiate et foudroyante. Sitôt que mes oreilles captent les mélodies gnangnan de ce chanteur de charme sans grande originalité, me voilà midinette de base, entortillant mes cheveux et soupirant en rythme. Las ! En écrivant cela ma fan-clubette s'agite et s'énerve toute seule : "Comment oses-tu parler ainsi de ce génie, espèce de vieille intello d'opérette ?!". La musique est censée adoucir les moeurs, moi elle me colle plutôt de schizophréniques complexes. Vous l'avez compris, j'attends comme le messie le jour où je pourrai agiter un briquet en piétinant mes voisines tout en hurlant "je t'aiiiiiiiiime" à mon obscur objet du désir. Vous croyez que je vais vous dire de qui il s'agit ? Tatataaa, c'est méconnaître ma couardise absolue en la matière (où mon goût pour me faire prier des heures durant). Et d'abord je vous demanderai ceci : assumez-vous tout ce que vous avez planqué dans votre I-Pod ? Vous arrive-t-il, dans les transports en commun, de baisser le volume parce que vous craignez tout à coup que le voisin entende ce que vous écoutez ? Si oui alors unissons-nous, soeurs de vergogne, le temps des confessions est arrivé ! Si quelqu'un peut déclarer ici "Non, Marie-Georges, tu n'es pas seule !", j'avouerai qui, losque je le vois sussurer sur Youtube, me donne cette furieuse envie d'être réincarnée en gros micro tout jaune.

Brecht sous les brèches

Lundi je me rendis sous la pluie à Firminy (à côté de Saint-Etienne), dans ce lieu classe et classé qu'est l'espace le Corbusier. Enfin quand je dis classe... Nous prîmes place et eau à la maison de la culture, monument laissé à l'abandon par une mairie peu sensible à la vocation sociale du célèbre architecte. Il faut préciser que l'espace théâtral se situe sous une toiture en mal d'entretien. Et voilà le travail : une scène habitée par quelques flaques, des acteurs entre la lumière et les gouttes, une mise en scène slalomant au coeur de cette fête à la grenouille inopinée. Devant telle crue nos yeux n'en crurent pas les leurs : des filets d'eau défilaient sans peur parmi câbles et projecteurs. Le spectacle fut introduit par le conservateur des lieux himself s'excusant platement de devoir sans doute bientôt nous évacuer pour cause de sécurité plus que flottante. Heureusement pour nous, il n'en fit rien. Brecht nous sortit la tête hors de l'eau et fit cesser l'averse. La compagnie de l'Abribus nous mit justement à l'abri du naufrage. Une mise en scène minimale, des costumes sombres à l'image de la période dépeinte, et , ce qui me plut par-dessus tout, l'idée géniale de faire appel à un choeur rythmant la pièce par des chants et des hors-champs et des bruitages de circonstance (le public pouffa forcément lorsqu'ils se mirent à imiter le son de la pluie, pouvant comparer in praesentia avec l'original). Nous regrettâmes toutefois un triptyque mal exécuté, d'un symbolisme douteux ("La bête immonde" l'était au même titre que la peinture censée la représenter), qui heureusement n'apparaît qu'à la dernière scène, et quelques faux pas d'acteurs parfois perturbés par la porosité des lieux. Mais nous ovationnâmes Maïa, dramatiquement crédible dans le monologue de la femme juive quittant son pays. La pièce nous laissa l'amer constat qu'il y a loin de la culture à la subvention et surtout que notre époque ressemble en bien des points aux tristes années trente. Rien que pour ça, "Grand peur et misères du IIIè Reich" continue de nous faire un bien fou.