mardi 24 juin 2008

Hihi !

J'adore !

dimanche 22 juin 2008

AOC

Léonard de Vinci, La Joconde, 1506
Je n'aurais jamais cru que je m'identifierais à un paquet de pâtes. Le jour où je pris connaissance du concept d'italianité développé par Roland Barthes, je me dis que j'avais un peu de Panzani en moi. Panzani ou comment une marque franchouillarde fait pousser du rital de partout sur ses affiches, en mot et en couleurs, pour qu'on finisse par y croire. Panzani en réalité, c'est pas italien, c'est juste italianisant.

La question fut longtemps : suis-je, à l'instar de Panzani, italianisante ? Car lorsque l'on sait d'où vient mon nom, les questions qui affluent pour savoir jusqu'à quel point je suis une vraie n'appellent que de décevantes réponses. Non, je ne parle pas italien, mon père je n'en sais rien mais il n'est plus italien depuis sa majorité ; la famille là-bas je ne la connais pas. A part mon patronyme, rien ne me distingue de la grenobloise que mes papiers affichent. Je suis née à La Tronche, même pas à La Troncha.

Il me vint toutefois très vite ce constat qui me différenciait des hypocrites pâtes stygmatisées par Barthes. Moi je suis bien plus qu'italianisante : je suis d'origine contrôlée. L'Italie n'est qu'à un saut de branche : je suis tout de même la première génération dans ma famille à être née française. Donc sur la pyramide ritale, je suis largement au-dessus de Panzani qui se contente de jouer dans le sable en bas. Panzani fait semblant avec des A et des I. Mon patronyme est curieusement moins vocalique, moins solaire. Il a l'italianité réduite mais il est, lui, parfaitement italien. Il possédait même une curiosité orthographique que l'administration jugea bon de me retirer à mes 23 ans. Du coup, il ne s'écrit plus comme celui de mon père. La françaisité a gagné du terrain.

Je comprends parfaitement l'agacement qui vous gagne. C'est bien joli mais lachate mi les baskets avec vos origines, merde ! Je ne saisis pas moi-même cet attachement aux racines nécrosées à l'heure du traité de Lisbonne et de la mondialisation. Je vis à Paris, je parle espagnol, j'ai travaillé en Corée et au Mexique, je rêve de visiter le Mali... Mais je constate. A un moment donné, allez savoir pourquoi, une sorte de fierté amoureuse s'empare de moi si d'aventure on me demande d'où je viens. Affectivement, je reste fortement nouée à ma botte. Il se trouve aussi que j'ai toujours eu des amies d'origine italienne. Nous sommes effectivement légion ici (surtout moi : mon grand-père en fut pour gagner ses galons français).

Lorsque j'étais petite, ma copine de bac à sable et moi adorions nous exclamer "Que bueno !". Nous avions entendu ça dans une réclame pour du liquide vaisselle, où les protagonistes faisaient crisser du bout du doigt un plat à lasagnes rutilant en claironnant cette expression. C'était donc de l'italien pour nous, même si c'était de l'espagnol. Peu importe, l'italianité fonctionnait à plein tube dans ces mots et nous étions ravies de croire que nous parlions la langue de nos ancêtres. J'eus ensuite un petit ami italien en Belgique, aux nom et prénom aussi italiens qu'italianisants : avec une enfilade interminable de O et de I. Je fus vexée le jour où il s'esclaffa que mon patronyme ne faisait pas italien. Plus tard, je jalousai aveuglément une amie d'études qui avait toujours ses grands-parents implantés au pays. Italienne par ancêtres perdus et souffrant d'un léger défaut d'italianité, cette obsession filée me fait dire aujourd'hui que je suis probablement atteinte d'italianisme aigu.

Quelques succintes recherches m'apprirent que mes homonymes cousins respiraient toujours l'air du village de naissance de mon grand-père. Je continue à rêver d'un voyage au pays avec mon papa. Je nous vois gambader à Sedico et nous dire que nous sommes un tantinet chez nous dans ce paysage étranger. Ou plutôt : étrangement familier. A bien y regarder sur les photos, cet endroit semble un peu frappé de grenobloïté.

vendredi 20 juin 2008

Paf le tag 2

Jérome Bosch, La tentation de Saint-Antoine, vers 1508

Ils sont beaux, ils sont frais mes tags...


C'est à Hélène que je répondrai aujourd'hui du tag au tag. En allant faire un tour sur d'autres blogs, j'ai découvert que Gaël, également tout tagué, venait de s'atteler à la tâche qui m'incombe : écrire 5 contradictions.


1- J'ai un blog alors que je n'ai rien à dire. La première fois que j'ai osé révéler à une collègue que j'avais un blog, elle m'a aussitôt demandé sur quoi. "Euh, sur rien." Fin de la conversation.


2- Je trouve que vivre à Paris est une aberration mais j'y achète un appart. Une qualité de vie qui n'augmente que lorque l'on passe à côté d'un monument, des loyers himalayens, un appartement qui ne fait qu'un avec le palier, 3/4 d'heure de déplacement anaérobie pour aller voir quelqu'un qui "habite aussi à Paris", passer à l'improviste = déranger, etc. Cependant je suis située à un point géostratégique où mes amis de toutes parts ont forcément une correspondance un jour. C'est décidé, je pose mes bagages ici, ne serait-ce que par amour pour la conciergerie, ce château cornu qui se prélasse au bord de la Seine.


3- J'aime les gens mais je suis atteinte de phobie sociale galopante. Quelqu'un arrive et me voilà transposée dans mon pire cauchemar. "Laissez-moi !" ai-je envie d'hurler en me débattant. En général je dis plutôt bonjour en souriant et après ça se passe bien.


4- Mon corps est une contradiction à lui tout seul : ma bouche et mon estomac sont en guerre. Ils ne s'écoutent pas. Je leur dis souvent qu'ils pourraient se téléphoner de temps en temps via oesophage. Mais bouche gourmande n'a point d'oreille : moins mon estomac a faim et plus ma bouche réclame du chocolat.


5- Je pense que notre système politique est trop perverti pour qu'il en ressorte quelque chose de bon mais je continue à voter. Nos représentants du peuple (merci monsieur Poireau) ne représentent qu'eux-même et leur clique de puissants. Ils ne sont qu'avides du pouvoir que leur confère leur position. Quand j'y pense, je vire facilement anarchiste mais je ne veux pas arrêter de voter. Il ne manquerait plus que je rate les rares occasions que j'ai de l'ouvrir.


(Et maintenant, euuuh, question de tagueuse débutante : chui obligée de taguer 5 personnes ? )
Mise à jour du 22 juin, après la réponse d'Hélène "Tu n'es pas obligée de taguer à ton tour". Bon, d'accord. Et paf je tague quand même: Amapola77, So dilettante, Nataloup, May Nat, monsieur Kaplan.

jeudi 19 juin 2008

Paf le tag


Brughel, La parabole des aveugles, 1568

Je découvre la pratique du tag dans les blogs. Définition soufflée par Dorham à mes ignardes esgourdes : "ça veut dire que je t'ai refilé un exercice imposé, un billet avec un thème auquel tu dois te plier..." Ah d'accord, merci.

Et paf le tag : que pensez-vous de la RATP ?

Héhéhé - ahem - eh bien voilà qui tombe dru euh à poings fermés enfin je veux dire à point nommé. J'avais justement pour projet la création d'un guide du routard complet à ce sujet : tout sur les lignes les plus sympas, les lignes bon marché, celles où l'on peut dormir etc. A part ça, je veux bien en penser quelque chose mais ne vous attendez pas à de la réflexion de haute volée avec de l'esprit qui brille. J'ai toutefois une arme imparable pour faire mon intéressante : une pratique provincialo-mondiale des transports en commun. Oui parce que la RATP c'est bien mais est-ce que c'est si bien comparativement aux TCL, à la STAS, au métro de Séoul et aux bus mexicains, mmmh ? C'est-y pas un beau sujet ça ? Qui c'est qui veut mon taaaaaag ? Non, je me contenterai en fait de distribuer le bien et le mal en parties égales. Comme ça, non seulement vous aurez lu un texte aussi dynamisant qu'une expo de santons de Provence mais en plus vous ne saurez pas vraiment ce que j'en pense. Fallait pas me taguer.

RATP, three points :

1- La RATP nous fait chanter. Véritable compil montée sur roulettes, notre rame nous invite, au gré d'un chapelet de stations, à fredonner tubes de toujours et airs d'antan. Pratique quand on a oublié son MP3. Le miracle est sans nom à la station Javel, on s'exclame "Mais oui madame !" à Ménilmontant, à Buzenval on s'interdit la chanson qui tue les mites tandis qu'aux Lilas rôde le fantôme du poinçonneur. Astuce pour varier le répertoire : changez quotidiennement de destination. Si vous trouvez le métro d'un horripilant ennui, c'est peut-être que vous n'y mettez pas du vôtre.
2- La RATP est généreuse. Longtemps, j'ai vénéré un petit carré plastifié qui portait le doux nom de "carte solidarité transport". 50% de réduction sur tickets et carte orange quand vous avez le budget rachitique, c'est pas de refus. Le métro est un luxe pour certains, comme pour d'autres le yacht des copains.
3- La RATP est inspirée. Elle affiche de petits poèmes perchés au-dessus du nez que vous portez justement haut pour respirer. Votre orteil se trouve broyé menu par un de vos covoiturés mais votre cerveau n'a rien remarqué, qui se régale de ces vers : "Paris, pour te dire merci, je te caresse avec mes pieds". Vous ne voyez plus du même oeil votre voisin-pilon.

RATP, pas glop :

1- Météor me fait peur. Vous savez, c'est ce métro qui se conduit sans les mains, sans les yeux, sans le moindre morceau de chauffeur. Monsieur Météor est un employé modèle : pas de grève, jamais malade ; ah c'est sûr c'est pas lui qui va la ramener avec ses histoires de congés, retraite et autre vie de famille. Nous, tout ce qu'on demande à un conducteur de métro, c'est de conduire. On se fiche de sa vie comme de notre premier bavoir ; d'ailleurs, on ne devrait embaucher que des conducteurs sans vie. Mais je m'égare. Météor ou la promesse d'un avenir fracassant : avec un nom pareil, vous vous dites que que votre destin est de finir tailleur de cratère, écrasé sur une surface inconnue. Au risque de paraître rétrograde, je trouve qu'un conducteur qui vous a vu accourir et vous attend avant de refermer les portes, c'est plus agréable qu'un dédain électroniquement assisté.
2- Quand on fait un changement d'un métro vers un bus ou vice-versa, il vous en coûte un deuxième ticket. "Sont fous ces parisiens", me suis-je dit la première fois. Chez nous autres, les TCL, un ticket = une heure, peu importe que vous alterniez rails et routes. Résultat ici, il faut bien réfléchir avant d'opter pour le kit néons blafards/ambiance forges de Vulcain/air vicié/portes dévoreuses, ou l'option vitesse avoisinant l'inertie absolue/plaqué à une vitre-rôtissoire ou réfrigérante selon saison/pénurie de points d'appui/valse du coup de frein. Muni d'un seul ticket, ce sera l'un OU l'autre et tant pis si votre trajectoire gagnait à utiliser les deux. Fourberie visuelle : des petits symboles trompeurs "T, M, Bus" sur les tickets sont là pour signifier "Avec ce titre de transport, prenez ce que vous voulez" mais rien n'indique "et restez-y".
3- Un "Veuillez patienter" à peine articulé résonna du haut du wagon plongé dans une pénombre sans bruit. Je me levai pour hurler "Et si je ne veux pas ?!" puis me ravisai devant l'évidence de devoir entamer le rationnement de mes dépenses d'énergie vitale. La perspective de passer 40 jours dans un tunnel surpeuplé sans eau ni ordinateur me ramenait à la raison. Je tâtonnai discrètement dans mon sac, à la recherche d'un bonbon à l'oxygène. Autour, les passagers continuaient à scruter résolument le néant par les fenêtres. Les bouches étaient parfaitement horizontales, de sorte que dans cette forêt de têtes impassibles mon angoisse ne pouvait débusquer la moindre présence alliée. J'allais crier quelque chose comme "Je vais mourir asphyxiée ou mangée par des usagers plus forts que moi et en plus je suis seule au monde ?" lorsque la lumière des néons papillonna enfin. Le métro repris sa route dans un joyeux roulis pétaradant. J'en ballotais de bonheur.
Le métro parisien, c'est la fin du monde au quotidien.

mercredi 18 juin 2008

Interlude

la galaxie M51
Tidoudaaa... Message en cours de construction... Tidoudaaa...
(Avec un déménagement, des paperasses, un crédit immobilier, une visite, mon cours de théâtre, un magasin indien, des histoires de barillet, on ne peut plus bloguer en paix ah mais).
Tidoudaaa...
(Et tous ces tags !)
Tidou...

dimanche 15 juin 2008

Envie de combler un vide ?

Boticelli, l'annonciation, 1489

Je me sens d'humeur à vous imposer quelques stupidités lues et vues ci et là. Je m'en excuse mais n'y puis rien changer. Pas plus tard qu'il y a dix minutes, une lumière traversait les carreaux de ma chambre et une voix d'en haut m'exhortait à chercher inspiration plus noble au lieu de relayer l'imbécillité déjà omniprés(id)ente. De là, je me suis posé des questions : ce blog a-t-il vocation à distraire, à nous ébattre dans la joliesse, à hurler les vrais problèmes ? Quand le flot divin s'éteignit, je m'aperçus qu'il couvrait un râle pathétique : "Fais-moi, oh dis fais-moi". "Quoi encore ? Te faire quoi ?", grognai-je en me retournant. "Fais-moi tout court", soupira la montagne bringuebalante de vaisselle croupie, érigée depuis le fond de l'évier jusqu'au haut vide au-dessus.

Bien me prit de privilégier la voix du plat d'en bas à celle du couvercle céleste. Comme si récurer en me maudissant d'avoir encore trop aimé le fromage fondu avait désincrusté du même coup les quelques scrupules restés collés aux parois crâniennes. Je revins de mon aventure lavée de toute velléité d'autocensure douteuse. Non, ce blog n'a aucune vocation précise, oui il est un Objet Virtuel Non Identifié et il restera protéiforme tant que son auteure sera humaine. Adieu ambitions littéraires (je suis trop dilettante pour y travailler et de toute façon il y a plein de gens qui écrivent bien, , , et et encore ), goodbye billet d'humeur quotidien (parce que parfois je suis pas d'humeur), en berne l'introspection psy (je me saoûle moi-même avec mon moi), bonjour un peu de tout ça tout le temps. J'ai la futilité profonde, la paresse crasse, l'ambition rase et le moi multiple. On fera avec.

Aujourd'hui je dis merci. Merci à Nicolas d'avoir satisfait mon appétit moqueur en citant un sympathique extrait bloguesque, dégoté chez quelqu'un qui a "du talents" et dont je ne peux m'empêcher de recopier la première phrase. Je la trouve irrésistible. Livrée telle quelle ci-là : "La culture française est subventionnée en totalité, pour y avoir un peu travailler il faut mieux avoir des contacts que du talents ou de la volonté". Nous voilà impatients de découvrir la suite.

- Depuis deux jours une publicité pour un site de rencontre sur internet s'affiche sur ma boîte aux mails. Slogan qui tue : "Envie de combler un vide ? machintruc.com". Délicieux, non ? Dialogue via messagerie instantanée plein de promesses :
A- "Salut, tu cherches quoi ?
B- Combler un vide. Et toi ?
A- Remplir un trou. On se complète, non ?"
Je sais, la pub me rend poètesse. Mais avouez qu'il y a de quoi exhiber un cynisme de défense devant vision du monde si enchanteresse. Ca me rappelle, placardée à un arrêt de tramway, une affiche qui m'avait interloquée : "Une femme aura toujours l'âge de ses mains." J'en étais restée toute bée. On ne parle pas assez de la prise d'otage cérébrale que subissent les usagers des transports en commun. Vous voulez vous rendre à Nation et en cheminant sur le quai du métro on vous a déjà annoncé sur toute une longueur de couloir que vous n'avez rien compris à la vie, qu'il vous manquait plein de trucs pour que tout change, le degré de persuasion de cette injonction étant souvent proportionnel à l'écart mesuré entre les jambes féminines présentées pour pavoiser le slogan. Vous vous surprenez ensuite à reluquer les rails du métro avec concupiscence.

- Combler un vide, une envie partagée par les concepteurs de packaging. L'un d'eux a jugé bon d'apposer un exergue sur mon paquet de pains au lait : "Pratique à ouvrir". Ne pas confondre avec "ouverture facile" qui qualifie l'emballage. Ici, un schéma numéroté en deux temps explique comment ouvrir un pain au lait en deux. Je sors grandie de cette lecture. L'effort didactique au service du vide, ça me rappellerait presque l'actuel projet des nouveaux programmes scolaires.

jeudi 12 juin 2008

La coulpe est pleine

Strozzi, L'incrédulité de Saint-Thomas, 1620
Je me sens coupable. Qu'est-ce que j'ai fait ? Rien. La question n'est pas là : on n'a pas encore trouvé de lien direct entre méfait et sentiment de culpabilité alors bon. Voici ce qui me travaille : je me paie le luxe d'un quatrième jour de congé maladie. Très bien, parfait. Non ! Car en plus d'une rhinopharyngite virale, je souffre d'une hypertrophie du surmoi. J'ai un très gros surmoi. Et réac avec ça. Je disais, il a entendu : je me PAIE un QUATRIEME jour de CONGE. Honte sur moi ! Honte sur moi ! La feignasse recompte ses plaies à l'ombre de son baldaquin tandis que la France se lève tôt. Qu'est-ce que c'est que cette instit de pacotille en flagrant délit d'abandon de groupe d'enfants ? La maîtresse a ses vapeurs et voilà, bonjour paresse ! Songe donc, insensée, à ces 27 paires d'yeux larmoyants à la vue d'une classe vide, à leur avenir compromis, à leur échec au bac, plus tard, par manque de bases solides, par défaut d'entraînement à l'entourage de gommettes au gros feutre ; ça commence là, les lacunes... Et puis toi, la souffreteuse, tu coûtes cher à la société. Déjà qu'un prof, bon. Mais là, pfiou, un vrai gouffre à cotisations. Pis t'as plein de temps pour tomber malade : t'as plein de vacances. Pis si tu mangeais cinq à dix fruits et légumes frais par jour tout ça n'arriverait pas.

Je vous l'avais dit, un vrai réac.
Certes, aujourd'hui je tiens debout et ma voix semble audible. Mais j'ai encore une flèche dans les reins, les tympans traversés de palpitations et la tête bien calée dans son étau. Du coup, 27 gamins format liliputien à la voix désinhibée, ça me paraît rude pour mon corps de Gulliver hypotendu. Je pourrais bien m'allonger au sol et les laisser me saucissonner avec du fil à scoubidou. Après ils me rouleraient dans le tapis à petites voitures comme ils savent faire, et me rangeraient bien comme il faut derrière les rouleaux de kraft. Au placard, la maîtresse hors service. Sauf que le virus me rend aussi irascible. Ahurie et irritée, à bout de force, j'aurais choisi la ruse immorale pour me faire obéir : "Si vous n'allez pas vous asseoir, bande de pois sauteurs hystériques, j'égorge ce doudou avec les ciseaux à bouts ronds !". Ce jour de congé, c'est aussi ça : un traumatisme collectif évité.

Epilogue : j'ai revu mon médecin. Il m'a demandé si je voulais me reposer jusqu'à la fin de la semaine. J'ai levé le menton et regardé l'horizon en prononçant ces mots : "demain, j'irai." Décision forte ? Non, fuite éperdue. Je ferais n'importe quoi pour échapper au sermon de ce gougnafier de surmoi, même commencer ma semaine un vendredi. La maladie chez moi n'est pas celle qu'on pense, mais rien de grave. C'est juste que chaque jour, au lieu d'épousseter mon édredon, je me plais à battre frénétiquement ma coulpe.

mercredi 11 juin 2008

Suivant les pointillés

"Si ça continue j'vais me découper" hurlai-je tout bas, du haut de mon lit. Face à une santé en dents de scie, me voilà prête à en découdre. Mon état fébrile me lancine. Je rêve d'exécuter un strip-tease intégral façon Benny Hill, lorsqu'il enlève tout : le haut, le bas, les bras, les jambes, jusqu'au squelette qu'il finit par démonter aussi.
Le grand machin qui se meut sous ma tête semble avoir des réclamations à faire. Si vous êtes comme moi, la plupart du temps vous êtes un pur esprit qui croit qu'il s'est fait tout seul. Mais quand la fièvre vient vous râcler l'espace entre l'os et le biceps à la petite cuillère, vous êtes bien obligé d'admettre sous la torture que cette partie existe au même titre que les autres. Silence, Marie-Georges, ton corps essaie d'entrer en contact avec toi, l'entends-tu ? Un râle pour oui, deux pour non... Flippant tout de même, quand on n'est pas accoutumé à ce spiritisme corporel. Déjà que les grincements de mes genoux n'avaient rien à envier aux grilles des vieux cimetières...


Je vais tenter de me calmer. Ce n'est qu'un petit virus. Et, comme me l'a expliqué hier mon docteur, chaque maladie possède son histoire naturelle. Et l'histoire naturelle de ce virus-là, c'est de faire trois petits tours et puis s'en va. Rien de dramatique. Ainsi font, font, font, les petits ganglions...


Je remonte donc sur mon lit. Las, je me sens beaucoup plus en forme lorsque j'essaie de dormir. Tandis que mon cerveau échafaude inlassablement deux colonnes d'arguments sur le thème "pour ou contre aller bosser demain", mon sang continue de bouillir par tous les pores. Je grésille sur mon matelas et, en me retournant sans cesse comme un sanglier sur bâton dans un épilogue d'Astérix, me vient cette phrase de circonstance : "Tu t' chopes des suées à Saïgon." Je l'ai toujours bien aimée, celle-là.
(La BD est de Crumb, je sais pas mettre une légende quand l'image est placée à gauche.)

mardi 10 juin 2008

Le parti d'en rire, Francis Blanche et Pierre Dac

Dédicace à une amie qui se reconnaîtra, pour contrebalancer l'humeur de nos longues conversations politiques, si souvent désespérées.

La fièvre et le swing

Une fièvre impromptue est venue me veiller dimanche soir. Agenouillée à mon chevet et toute à mon hagarde horizontalité, elle m'enfonçait des piques à brochette dans le dos et les bras. Je passai donc un lundi loin du monde, embrochée et somnolente. De mon lit, j'entendais la plainte sourde des murs. D'immenses scies circulaires sifflaient et des coups de marteau résonnaient dans tout l'immeuble. Je profitais de sursauts d'énergie pour me torturer un peu plus : "Qu'est-ce que j'ai encore ?!". La journée passa entre le lit et la chaise. Et maintenant qu'il est 3 heures du matin, mon corps ne veut ni dormir, ni se lever. Le blog est moins capricieux et a ceci d'aimable qu'il ne dort jamais.

J'ai de la chance, la radio passe "Quand j'étais petit" de Charles Trenet. Quelques minutes de beauté pure, l'effet est immédiat. Le quartet me monte à la tête et son swing met mon coeur au diapason. Les mots simples de Trenet me transportent au dedans de moi. C'est la force de sa poésie. Il ne vous impose pas un univers, il vient jouer en chanson avec le vôtre. C'est par ce subterfuge qu'il arrive à vous faire croire aux facteurs qui s'envolent, aux fées qui changent les ânes en gendarmes et aux fantômes qui chantent. Il convoque et fait revivre l'enfant qui est en vous, votre âme et vos amours passées en se baladant sur les notes et les mots. Et vous, vous n'êtes plus pareil après l'écoute d'une de ses chansons. "Quand j'étais petit, je vous aimais, sans rien vous dire..." démarre-t-il, avec sa musicale diction. Il vous parle de la barbe de parrain et du nez du pharmacien et ça y est, vous avez dix ans. Quand la chanson se termine, vous renversez votre chaise et partez en trottinant.



Cette fois, mon corps réclame un matelas en me signifiant bien qu'il n'a pas l'intention de dormir. Je retourne faire l'étoile de mer sur mon pieu en attendant l'heure du médecin.

dimanche 8 juin 2008

Balade

Füssli, le cauchemar, 1781

Ce matin ou presque, un alien poussa en moi. Dans tout un tas de grognements, il parvint à articuler : "Et si on allait se promener ?". Comme je ne suis pas contrariante les jours de lessive, je voulus lui faire plaisir. C'était décidé, nous irions profiter du soleil pendant son absence. Je pris un parapluie, une paire de lunettes de soleil, je mis mes bottes puis dévalai les escaliers, les bras pleins de sacs poubelle, eux-même pleins d'emballages vides, eux. Comme deux teckels venant juste de comprendre que c'était l'heure de la balade, mes cuissots s'affolèrent et firent la fête, bondissant et tournoyant sur eux-mêmes. Mes jambes couraient au-dessous de moi et j'eus peine à leur faire comprendre que sans destination pour nous aiguiller cela ne servait à rien. Délestée de mes déchets, j'ouvris la porte de l'immeuble et vis que tout était gris. Je jetai un coup d'oeil à la laverie qui semblait me causer façon pendule d'argent de chez les vieux de Brel. J'en fis fi et partis dans l'autre direction.

Je m'aperçus bientôt que je n'étais pas seule. On aurait même dit que j'étais accompagnée. Je recomptai : mon alien, mes deux cuissots et ma tête. Moi et personne d'autre. Je poursuivis mon chemin, sentant petit à petit grandir cette présence étrangère. "Il n'y a que moi", me raisonnai-je. En réalité, plusieurs êtres, manifestement intéressés par mon activité, décidèrent de se joindre à mon erratique promenade. Je me retrouvai vite entourée d'une nuée de personnages à qui je n'avais rien demandé, surtout pas de me suivre. "Et si tu allais chez l'épicier acheter du chocolat ? Oh ouiiii !" m'interpella une petite fille blonde à qui il manquait deux dents de devant. "Et puis tu rentres. Y'a rien là-bas, où tu vas ?", continua-t-elle. Je toisai la péronnelle sans mot dire, pour lui signifier que nous n'avions pas gardé les bisounours ensemble. Mes nougats prirent la direction opposée au chocolat et je me retrouvai dans cette rue si souvent arpentée.


Je passai devant le bar-tabac où deux tables au milieu du trottoir faisaient figure de terrasse et où un jour, en panne de cigarettes, une copine s'arrêta et fut accueillie d'un "Bonjour monsieur !" qui nous laissa pantoises. J'accélérai le pas pour doubler un homme d'affaires du dimanche visiblement pressé. Il me redoubla. Je le reredoublai. Malgré tous mes efforts, la clique de dingues me suivait toujours. "Mort aux cons !" me hurla une lycéenne habillée en noir, dégainant son majeur comme un cran d'arrêt. "Ca doit être jouissif de foncer dans une foule en bagnole, comme ce type, là, le Japonais dont ils parlaient à la radio ce matin. Qu'est-ce que ça doit être bon !", me lança une fille bizarre qui mâchait un chewing-gum. "Moui mais alors il faudrait que les gens revivent juste après", lui rétorqua une bonne soeur qui avait relevé sa robe pour mieux suivre mes enjambées.
Je décanillai de plus belle, avant d'être coupée dans mon élan par la vitrine d'un salon de coiffure qui vendait des crustacés en peluche. Une odeur familière : quelqu'un portait Opium du désormais regretté Yves Saint-Laurent. Je relevai la tête et ne vis qu'un gars avec un béret qui souriait devant un réverbère. En traversant l'avenue, je me rappelai d'une vendeuse en parfumerie à qui j'avais confié mon intention d'acheter Opium et qui avait tout fait pour que je reparte avec un Chanel, sous prétexte qu'Opium c'était pour les jeunes filles. "Elle mériterait bien de tâter de mon capot, celle-là !" mugit la mâchonneuse. "Encore vous !" finis-je par lâcher, fortement agacée d'être mangée des yeux par ces donzelles un brin collantes.


Les furies n'eurent de cesse de m'emboîter le pas lors de ma ronde parisienne. Je trouvai du réconfort en frôlant de vieilles pierres rue de Thorigny. Je repris un rythme soutenu devant l'audace de ma lycéenne, laquelle prit à partie une passante qui me dévisageait : "qu'est-ce t'as, toi ?". Ma course s'acheva chez un traiteur chinois où il fut demandé à un homme qui voulait une paille avec son soda s'il la préférait petite ou grande. Je rentrai, un sac plein de victuailles odorantes sous cellophane, pour raconter ma promenade à mon blog. J'écrivis un texte qui racontait autre chose.

vendredi 6 juin 2008

Illuminée de peu

Gilbert Garcin, Diogène ou la lucidité, 2005


Je rêve. J'ai eu une révélation sur ma vie là, pas plus tard qu'il y a dix minutes. C'était fulgurant et diablement éclairant. Seulement voilà, impossible de retrouver ce que c'était maintenant. J'ai beau me creuser, la seule chose qui me reste est ce "oh !" résonnant dans mon for intérieur tout baigné de lumière. Quel vicieux plaisir pousse désormais ma mémoire à me rappeler que j'ai su un truc sans me dire quoi ? Quel intérêt, après avoir jeté le bébé, de me refiler l'eau du bain en souvenir ?


Quand j'y repense c'est pire. En tâtonnant dans la vase du passé proche, évidemment, tout se brouille. Et d'autres souvenirs totalement inutiles remontent à la surface. Je fais appel à ma centrale mnésique, et là, c'est toujours la même chose : "Vous avez demandé une information vitale, ne quittez pas, une opératrice va vous répondre". Pour me faire patienter, on me propose cette réflexion qui me vint la veille, après m'être cogné le pied à celui de la table pour la hainième fois. Afin d'oublier ma douleur, je m'étais prise à rêver à un monde sans orteil, à me figurer la dégaine qu'on aurait en marchant, à croire en l'avènement de cette espèce évoluée d'humanoïdes aux arpions ramenés à l'essentiel, pour clore le chapitre en me disant qu'une bombe nucléaire tomberait avant. Bon, c'est bien gentil, mais c'est pas ça qui va me rendre ma révélation perdue. Allez quoi, gentils neurotransmetteurs, soyez sympas ! Pour une fois que j'avais tout compris à la vie, pfff...


C'est par ici, pour voir l'oeuvre du photographe Gilbert Garcin.

mercredi 4 juin 2008

Priorités à droite

Je me levai au son d'un micro-comptoir dont le sujet m'avait échappé. J'entendis : "c'est scandaleux. Y'en a marre. Qu'ils arrêtent de toujours changer les choses ! Ne touchez à rien et foutez-nous la paix !". Je me dis que oui. Qu'ils ont raison. Que c'est scandaleux, que moi non plus je n'en puis plus. "La réforme m'a tuer", décidai-je d'inscrire en lettres de sang sur les murs de ma chambre, avant de finalement opter pour un café.
La veille, j'avais assisté à une longue réunion pour décider de l'action de mon école, aux prises avec la suppression d'un poste dont tout le secteur a pourtant grand besoin : le poste itinérant qu'une enseignante occupe depuis sa création et qui se nomme "soutien lecture". Une prof qui, telle la Zorro sans zéro, mallette surprise en guise d'épée, débarque là où les mômes suent sang et eau pour comprendre quelque chose aux livres. Une femme pleine de ressources qui invite ceux qui pataugent dans l'écrit à entrer dans la lecture. Elle arrive sur la pointe des pieds, emmène avec elle un tout petit groupe d'élèves en difficulté et, ni vu ni connu, les fait travailler autrement. Elle est donc une bouée inespérée pour les naufragés du grand groupe classe. Vous trouviez cette démarche intelligente ? Eh bien, vous qui avez la chance d'avoir appris à tenir un stylo, mettez vos dons en pratique et faites une croix dessus. Y'en a marre de donner des moyens aux zones "prioritaires" d'éducation. Zip, la ZEP ! On ferme ! J'imagine votre perplexité, qui fut également mienne : quid de la volonté de soutien scolaire exprimée maintes fois par nos gouvernants et autres experts improvisés ? C'est très simple. Dans soutien il y a sou. Et les sous, c'est ce qu'on donne aux dirigeants pour qu'ils les gardent. Exit donc, madame soutien lecture. Elle était trop bien pour nous, les pauvres.
Nous avons donc longuement débattu pour savoir quelle action mener, sachant qu'il fallait arriver à faire grève sans fermer l'école. Nous avons opté pour la grève tournante. Chaque jour, trois enseignants de l'école iront en délégation au rectorat ou dans les assemblées générales, tandis que les autres accueilleront les enfants.
"Foutez-nous la paix et ne touchez à rien", s'emporta Dédé du Pas de Calais. Bien vrai ça. "Mais au fait qu'est-ce qui chagrine Dédé ?", m'interrogeai-je en versant des flocons d'avoine dans un bol, telle une laitière de Vermeer en pyjama. Dédé aurait-il entendu parler du poste de soutien lecture de ma ZEP ? "Ne sois pas stupide", m'assénai-je en balançant des raisins secs au même endroit. Autre lieu, autre combat. Scandale national : on supprime le numéro départemental de nos immatriculations. Finie, la ronde autoroutière des imbéciles heureux qui sont nés quelque part. Envolée, la querelle des "42 qui roulent toujours au milieu de la route non mais hé", des "38 péquenauds qui lambinent comme si y'avait leurs moutons devant" et des "69 crétins qui se croient les rois de la route" ! Heureusement que je ne suis plus conductrice lyonnaise pour assister à cette triste déconfiture. Mais je suis sûre que les autocollants à paillettes et autre tuning départemental fleuriront bientôt. Que diriez-vous d'un petit "fier d'être un 69" en fluo sur votre aile droite ? Trop de la balle ! En même temps, si plus personne ne sait les lire, c'est pas drôle...

dimanche 1 juin 2008

Le feu aux poudres (détergentes)

Je ne suis pas peu fière. Je dirais même que la suffisance me gagne. Pourtant, adossée en plein soleil à la vitrine de la laverie ce matin, ça avait mal commencé. D'un tour de pouce, j'avais ordonné à l'i-pod de m'injecter Brassens dans les conduits. Tandis que tournaient les tambours, le mien se serrait à l'écoute d' Il n'y a pas d'amour heureux. Le soleil battait le bitume d'une rue aux passants absents. Ayant horreur du vide, mon esprit gémit, non sans bouillir : "Peut-être surgira-t-il au carrefour, ce salaud".
Je ne saurais pas quoi lui dire, juste bonjour et surtout pas : ça va ? Je ne voudrais pas savoir. Encore moins subir une réponse rapide suivie d'un "et toi" n'attendant pas la mienne. Il serait incapable de m'expliquer qu'il ne veut pas me parler ni me voir ou qu'il s'en fout, alors il prendrait vite un air dépourvu d'intérêt envers mes propos, espérant ainsi interrompre le début de conversation que j'aurais déjà échafaudé malgré moi. Car non, je n'aurais pas pu m'empêcher de parler, avec une platitude à faire pâlir de jalousie un verre d'eau du robinet, de mon-linge-que-je-lave-à-la-laverie-puis-qui-sèche-dans-le-sèche-linge-et-que-j'attends-au-soleil-parce-qu'il-fait-beau. Submergée par l'émotion, j'aurais aligné les mots creux comme les nouilles d'un collier de fête des mères.
Incapable, oui. A une époque, il me disait que je devais me douter. Il ne fallait pas que j'attende une quelconque sincérité, lui serait toujours aimable, c'est comme ça, c'est la politesse, mais s'il n'avait pas envie de me parler eh bien je pouvais m'en douter. Il aurait semé suffisamment d'indices. Il aurait le laconisme révélateur, l'allusion non verbale généreuse, l'absence parlante. Beau spécimen de couard fier dont je m'étais entichée un jour sans comprendre.
"Tous des lâches", continuai-je, désormais sourde au malheur de Georges. Je rentrai jeter un oeil au tourbillon de mes culottes. Il faisait humide au milieu de cette chaleur qui sentait le propre. Dans la lumière, la poudre et les carreaux plus blancs que blancs, mon humeur faisait tache.