Je dirais même plus : Marie-Georges Profonde ?
Au détour d'un commentaire chez Zoridae, monsieur Poireau m'a un jour demandé d'où venait mon nom. "Es-tu l'amie de Jacques Facial ?" s'interrogea un autre blogueur.
Cher monsieur Poireau, comment vous démontrer que je n'aurais pu trouver plus adéquat pseudonyme ? Je veux dire : oui, c'est avec joie que j'accepte de vous en narrer l'origine et vous dire combien il me sied, comme le gant va à la main, la vache au taureau, le veau à l'abattoir.
Je l'ai adopté (le nom, pas le veau) pour plusieurs raisons. Un prénom tant masculin que féminin, une consonnance politique (grâce à madame Buffet) et racoleuse (après coup je souligne son utilité pour attirer quelques brebis égarées de Google et feindre dans mes stats une multiplicité de visiteurs), un soupçon d'oralité freudienne et un jeu de mot à la noix, ce nom est un concentré de ce qui me caractérise.
En réalité il ne date pas du blog. Marie-Georges Profonde était une des protagonistes d'une méthode d'apprentissage du français que nous avions inventée, mes collègues et moi, alors que nous enseignions à Séoul. Las de prêcher une grammaire impossible et des leçons de "civilisation" fleurant bon le camembert et le Chanel 5 sur fond de photos de côte d'azur, nous rédigions à nos heures libres dialogues improbables et exercices stupides afin de nous détendre.
Toute méthode de langue comporte des personnages pittoresques, avec leur fiche d'identité en préambule, leurs dialogues au début de chaque double page, d'où découle une leçon de grammaire et un thème de civilisation. Nous suivions scrupuleusement cet ordre canonique. Notre manuel s'appelait "La méthode pour rien". Je restitue ci-après ce qu'il me reste de nos identités. Pour l'heure, ma mémoire flanche concernant les comparses de Marie-Georges. Mais lorsque j'aurai remis la main sur cet ouvrage d'inutilité publique, je le brandirai à la face du monde en en diffusant les dispensables enseignements.
Nom : Profonde
Prénom : Marie-Georges
Âge : moins de 26 ans
Profession : agent d'ambiance dans l'ascenseur du Crédit Lyonnais de Séoul
signe particulier : secrètement communiste, se transforme la nuit en Super-Hue
Nom : Lavoinée
Prénom : Arlette
Âge : moins que ça
Signe particulier : secrètement catholique (collectionne les chapelets)
Nom : Philou
Profession : tourneur fraiseur sur fromage à l'ambassade de France de Séoul
Nom : Degôche
Prénom : Grosscônne
signe particulier : secrètement de droite.
Ces héros se croisaient régulièrement à Carrefour. De leurs rencontres naissaient dialogues de sourds et répliques alambiquées, chargées d'objectifs linguistico-culturels au service de la leçon à venir. Comme dans les vrais manuels.
Extrait de dialogue :
Au rayon foie gras
"- Stop ! Arrêtez ! Halte au génocide des volatiles de Noël !
- Qui êtes-vous ?
- Je m'appelle Arlette Lavoinée, j'ai moins que ça. Et Vous ?
- Je m'appelle Grossconne Degôche.
- Vous êtes noble ?"
Exercice de civilisation : "La France compte plus de 350 fromages. Citez-les un par un."
Exercice de syntaxe : "Mettez rien à la place des trous. 1 Chirac, il fait ..... qu'à dire des conneries. 2- J'en ai .... à foutre." etc.
Exercice de phonétique : "Apprenez à distinguer le son /m/ du son /R/. Répétez plusieurs fois : J'parie ma culotte. J'pas mis ma culotte."
Faites-moi dire ce que je n'ai pas dit : les vrais manuels de français langue étrangère sont à peine mieux faits.
L'aventure prit fin en 2001 lorsque je revins du pays du matin calme, après avoir contribué pendant un an à la diffusion de cette culture qui nous étreint tous ici dès le réveil : romantisme, menus de la Tour d'Argent et haute couture. Quant à Marie-Georges Profonde, elle ne reprit du service qu'à l'ouverture du présent blog, en avril 2008.