Chardin, La raie, 1728
Un bruit sourd et régulier, entre le maillet allègre et la mitraillette enrhumée, me réveilla à six heures et demie. Qui pouvait bien bricoler avec frénésie à pareille heure ? Sans doute un mari stressé par la promesse faite à sa femme de finir les étagères avant le départ en vacances. Ou la femme dudit mari, martelant et maudissant en rythme ce dernier de ne jamais tenir ses promesses. Ou la mère du même, s'adonnant nerveusement aux balancements de son rocking-chair près du mur, consternée d'avoir appelé son fils Manuel alors qu'il n'en était pas un. L'envie de jeter un oeil par la fenêtre me décida à l'ouvrir. Mais le sculpteur fou n'était pas sous mes carreaux. Le bam bam continuait et je le suivis à la trace. Là, il est là ! Mon index, fier d'avoir flairé l'origine du vacarme métronomique, pointait résolument ma poitrine. "Hein ?" fis-je, en enlevant mes bouchons d'oreille. Le calme était revenu. Je les remis mais les retirai aussitôt. "Quel boucan en moi-même !" ronchonnai-je, abandonnant l'idée d'une reprise des activités morphiques. A l'extérieur de mon épiderme, un silence de matin d'été. J'entrepris de calmer mon tambour : "hé, oh, cool Raoul, tu vas te fatiguer et me faire clamser par la même occasion. Là où tu es il ne peut pas t'arriver grand-chose hein." Tout ce que je lui demandais, à mon myocarde, c'était d'éviter d'en faire trop, des fois qu'après lui prenne l'idée farfelue de se mettre à un repos total bien mérité. "Allez quoi, ne me dis pas que c'est ce cauchemar qui t'a fait peur, si ?"
Je m'allongeai sur le dos histoire de fixer le plafond pour y projeter mon étrange film nocturne. Un producteur un peu grisonnant, lunettes noires et fierté incrustées sur le visage, attiré par ma ferme intention de visionner le nanar, s'installa près de moi sur un siège pliant en tissu. "Tu vas voir, bébé, c'est de la bombe !", me lança-t-il, visiblement satisfait de son oeuvre. Sur son dossier de chaise était écrit "Inconscient". Mon coeur la ramenait un peu moins avec son numéro de claquettes.
Des cris, de l'invisible partout, une amie d'enfance torturée dans une cave... Ca parlait de vampires, de possession et de kidnapping mental. "Ri-di-cule", m'exclamai-je en direction de mes co-spectateurs, "C'est tout pompé sur l'Exorciste et Evil Dead, le scénario en moins". Le producteur fit un bond sur sa chaise mais ne dit rien. Pompon final : en guise de dénouement, un bruit sourd et régulier...
8 commentaires:
Une seule solution, lis Martine à la plage avant l'aller dormir. Ca devrait calmer tes rêves agités ;-)))
Rien à dire, toujours aussi poétique ta façon d'écrire! J'adooooore le Manuel qui n'en était pas un ^^
merci pour la ref dans la side bar! je t'ai mise en lien également. à propos, j'adore lire tes rêves...!
Bonsoir...c'est vrai que ce Chardin est un peu érotico-morbido-cauchemardesque...
je ne m'attendais pas à la chute du myocarde...mais pas du tout...Je me fais mener par le bout du nez!!!
Merci aussi dans un précédent texte d'avoir fait revivre Spok par le seul rappel du haussement de sourcil...
J'ai un très bon recueil des aventures de Oui-oui pour te destresser avant de rejoindre Morphée, si tu veux !
Cela dit, l'inconscient, quel scénariste !
:-)
mademoiselle ciguë : tu me le prêtes, dis ?
Pépite, un grand merci !
So dilettante, mais de rien, tu as un bien joli blog.
France, bienvenue ! Chouette une autre fan de Spock (je découvre que je suis moins seule que je ne pensais, vive les blogs) !
Monsieur Poireau : Ah, Oui-oui est sorti en Pléiade ? :))
je suis d'accord avec pépite : je suis toujours émerveillée par ta plume .
chez moi j'ai des livres de petit ours brun si ça t'intéresse...ça devrait être moins violent que l'exorciste !
:))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))))
(oui, je fais court aujourd'hui)
(au moins, tu ne regardes pas la chasse à deux heures du mat...)
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