J'ai enfin trouvé le régime alimentaire le mieux adapté à mon cas. Jugez plutôt. Pour perdre du poids rapidement, il est totalement inefficace. Et ça, c'est bien sa qualité première puisque, vous en conviendrez, les pertes de poids express sont dangereuses et déséquilibrantes. En pratique, ce régime se résume à un seul précepte, mais ne croyez pas qu'il soit simple à suivre pour autant. Ce principe unique s'avère pour moi extrêmement complexe à mettre en place.
C'est d'ailleurs cette complexité qui m'a immédiatement séduite, car elle est à l'image de la vie : rétive à toute simplification outrancière. En voici la règle fondatrice : "il est interdit d'interdire" (oui, je sais, même mon comportement alimentaire est teinté de gauchisme, on se refait pas). Hé bin c'est pas de la tarte. Vous y arriveriez les doigts dans le nez, vous ? Je m'adresse en particulier aux filles qui ont testé, inventé, suivi des dizaines de régimes depuis qu'elles sont en âge de choisir quoi manger, dans le but de perdre deux kilos imaginaires, d'être en meilleure santé, de sauver les animaux, d'avoir moins de boutons, d'éviter un cancer futur, d'arrêter les dégâts ou que sais-je, mais qui ont toujours trouvé une bonne raison de contrôler leur assiette. Car j'en suis. Dans mon cas il s'agit de s'attaquer, non pas à un problème physique de régulation du poids, mais à un trouble psychologique. Cela fait maintenant un paquet d'années que ma nourriture est mentalement prémâchée avant ingestion. Vitamines, minéraux, protéines, pesticides, bio, graisses animales et végétales, saturées, insaturées, non hydrogénées, lait cru, entier, écrémé, délactosé, chèvre, vache, soja, pain complet, bien, mal, autorisé, interdit, à la rigueur, à volonté, deux carrés pas plus, allergène, indigeste, oui mais cru, oui mais cuit, épluché, surtout pas épluché, sucre caché, gaffe au sel, calorie ostensible, vrai repas, collation, mauvaise habitude, bon réflexe, boire entre, pas pendant, le fruit en entrée, la viande le matin, végétarisme, carences, fatigue, énergie, régime Kousmine, régime Seignalet, alimentation dissociée, chrononutrition etc. OUI je suis passée par tout ça.
Certes, j'ai été élevée comme ça. A la maison, on ne mangeait que des légumes à l'eau sans sel. Ca nous "autorisait" ensuite à vider des paquets de gâteaux entre les repas puisque nous n'avions "pas abusé". Petite fille, j'avais pour le goûter une galette de fruits secs compactés dure comme du bois, achetée en magasin diététique. Quand je rentrais du lycée, ma mère ne voulait savoir qu'une chose : ce que j'avais mangé à midi. Si je répondais "un kebab", elle ponctuait d'un "Ohlala, c'est GRAS !". A la maison, nous avions des livres qui nous disaient d'aller manger à même le potager sous peine de mort nutritionnelle imminente de notre récolte, 15 minutes chrono après cueillette. Le même gars ajoutait "cuire un chou, c'est le transformer en poison". J'avais drôlement flippé. Quand on est jeune, névrosée et qu'on veut faire les choses bien, vous imaginez ce que ça peut donner.
Depuis, je trimballe ces curieuses habitudes de penser les aliments et leurs quantités en terme d' "autorisé/interdit", ce qui en clair signifie la porte ouverte à tous les désordres alimentaires. Niveau silhouette, une chance : j'ai jamais eu de surpoids, ce dont souffrait en revanche ma maman, jolie femme plantureuse qui répétait inlassablement "je suis obèse" et nous regardait, mon père et moi, non sans envier notre nature plus proche de l'asperge que du fruit rebondi. J'ai toujours fait l'accordéon au gré des périodes "ne mange rien/"ne fait que bouffer", sans pour autant passer à la catégorie "surpoids médicalement attesté". C'est toujours ça de gagné mais... Au niveau santé c'est très moyen, ces sauts permanents d'un extrême à l'autre. Et puis le problème n'est pas vraiment dans la définition de la silhouette idéale pour moi, il se situe plutôt dans la tranquillité d'esprit que je cherche encore. A savoir : pouvoir penser à autre chose qu'à la bouffe. Parce que là, de deux choses l'une. Ou je ne fais que manger toute la journée et du coup je n'ai plus le temps de faire autre chose, ou j'arrête de manger et je ne pense qu'à tout ce que je n'ingèrerai pas.
Si je peux vous en causer, c'est aussi parce qu'une psychothérapie a permis de faire le tri dans tout ça. "Ca vous évite de penser à autre chose, reste à savoir quoi", m'a lancé mon psy au cours d'une séance. Pas con. Résultat des courses, j'ai fait des progrès et ai commencé à mettre en pratique une façon de manger plus décomplexée, l'objectif étant que cela occupe le moins d'espace possible dans ma cervelle. En clair donc, il est interdit d'interdire. Je suis mes envies et tant pis si c'est n'importe quoi. Tant pis ? Evidemment pas tout à fait, mon esprit s'affole, je vois déjà se profiler une mort imminente, la grande faucheuse qui se rapproche en sifflotant, suivie de l'autopsie avec cette sentence sans appel prononcée par un médecin légiste impassible : "Son sang s'est transformé en pâte sucrée. Le coeur n'a pas supporté. Elle est morte d'un excès de chocolat". Oui, bon... Que celles et ceux qui n'ont jamais culpabilisé me jettent la première cacahuète.
12 commentaires:
Je trouve ton texte très pertinent. Ma mère n'était pas aussi excessive que toi, MAIS, au goûter, c'était DEUX petits écoliers de Lu, pas plus. J'en ai parlé avec une amie récemment, et elle m'a dit, et je suis de son avis, que c'est Sacrilège (avec un grand C) d'interdire à son ado de bouffer DEUX petits écoliers. C'est soit la boîte, soit rien du tout! 0 ou 12, mais pas 2! Enfin bref, c'était sur pleins de trucs comme ça. Même si je suis persuadée qu'on ne doit pas donner de coca midi, goûter et soir, ainsi que donner des trucs archi sucrés au casse croute de 11h, je crois quand même qu'elle a un tout ptit peu abusé. Depuis que je vis avec mon mec, j'achète tout et n'importe quoi. En fait, surtout n'importe quoi. Il n'y a plus son regard qui pèse quand je m'enfile des litres de coca et des kilos de saucisson. J'ai l'impression que son éducation m'a boulversée dans mes comportements alimentaires, aujourd'hui je mange tout ce que je n'ai pas pu manger sans subir une remarque comme : 'Oh mais c'est gras'! Le soucis c'est que maintenant, dès qu'elle me prodigue un de ses conseils, je me ferme comme une huitre et je ne desserre pas les dents, en refusant tout net de l'écouter. Pourtant c'était pas le poids qui la gênait, mais la santé. 'Fin bref, je m'étale mais oui, aujourd'hui ou interdit tout et n'importe quoi, on veut anéantir le beurre et les matières grasses qui, a quantité raisonnables, sont totalement inoffensives. On à réussi à faire de l'alimentation l'obsession numéro 1, en excès, ce qui fait que tout le monde se met à flipper et c'est tout juste si on ne se met pas à jauger ses tomates d'un drôle d'oeil pour les faire passer aux aveux : "Ouiiiii!!! J'ai été infestée au pesticide!! Laissez moi voir mon avocaaaat!!!!"
Oooops! Pardon pour ce commentaire gigantesque...
Ah ah ah mais non, ne t'excuse pas, c'est un plaisir de te lire ! Ma maman ne me limitait pas en quantité, en fait, vu qu'on mangeait des légumes on pouvait faire 15 repas entre. Ni elle ni moi n'étions capables de manger 2 petits écoliers !
A bientôt Pépite2choco
Effectivement c'est assez étrange comme logique (légumes vert à autorisent sucre hors de table).
La maman que je suis réfléchit à ce que j'inculque à mes enfants sur le plan de l'éducation nutritionnelle. Bon ils ont hérité de leurs parents et malheureusement mange moins de cochonneries que les autres mais frôlent le surpoid avant 6 ans, pas de chance. donc, je leur en parle beaucoup ( trop?), : manger équilibré,c'est à dire féculents, légumes, laitage, fruit à chaque repas et éventuellement une viande. j'espère ne pas les obsédé par cet équilibre à respecter... on verra dans 10 ans ...
bonjour, jarrive via petit dej chez Valerie Solanas.et je commente...
au final si tu es toujours taille asperge tu peux te permettre de prendre du recul sur tout ça plus facilement que quelqu'un qui a un vrai surpoids et est obligé de faire quelque chose (mais quoi ?????)
Eh, Marie-Georges, tu parles pas de plaisir dans ton texte. Or tu bouffes ce que tu bouffes par plaisir aussi. Ce sentiment te ferait-il culpabiliser?
Stéphane
Olympe : bienvenue :) Je ne me plains pas de mon poids, il change tout le temps ! Cela dit j'ai eu des problèmes de santé (diabète, allergies et autres joyeusetés), donc au final du final, le doc m'a mise au régime quand même (et moi je ne m'y tiens toujours pas, faut pas rêver !).
Stéphane : psychologue de comptoir ! :))
Oui, je sais, la pyschologie, c'est la chasse gardée des nanas. Sexiste va !
Stéphane
Oh l'enflure :))))
Tu ne perds rien pour attendre !
J'suis d'accord avec le psychologue de comptoir ^^ Le plaisir est très important puisqu'il intervient dans le sentiment de satiété (si tu me crois pas, demande à ton psy ;)
Exact Noée, sur ce point j'acquiesce. Il y a plaisir, il y a culpabilité, pour autant ce n'est pas la culpabilité du plaisir qui se joue. Je ne suis donc pas d'accord avec l'idée du plaisir gustatif coupable, qui induit que les causes de mes désordres alimentaires seraient leurs effets.
Le plaisir en tant que cause unique non, mais en tant qu'élément constitutif, pourquoi pas? Rien n'est simple et tout se complique.
Stéphane.
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