mercredi 17 décembre 2008

Une jolie femme déguisée en fleur

Ingres, madame Moitessier, 1856

Depuis quelques jours, c'est idiot mais je brûle d'écrire ceci.

Violette est une blogueuse. Pas n'importe laquelle : c'est la numéro 1 des chroniqueuses dans le fameux classement Elle. On pense ce qu'on veut de son blog : du bien, du mal, on le lit ou pas. Violette est un personnage créé par une femme normale et probablement quelqu'un de bien.

Cela vous en touche peut-être une sans bouger l'autre. Pas moi.

J'écrivais, il y a date, ma non rencontre avec cette personne au cours de la soirée Elle. Je la décrivis en des termes peu élogieux.

Ce soir-là, je pampillais à la remise des prix du classement, avec mes a priori en bandoulière (impossible de les laisser en bas : le vestiaire était fermé). Je fus en désaccord avec son discours, comme ça peut arriver. Je l'ai croisée, nous avons raté l'occasion de nous saluer pour des raisons qui nous échappent encore. Du monde, du bruit, une fille à qui je suis présentée et qui ne me salue pas. Je rentre ensuite raconter tout ça à mon blog.

Quiconque me connaît sait très bien comment je vais tourner les choses. Tu ne m'as pas dit bonjour ? Tu m'en veux ! Oui. Sauf que non.

Il peut arriver en soirée, immergée dans une nuée de causants, que vous n'ayez pas entendu ni distingué une inconnue vous faisant un vague coucou. Ladite inconnue peut ensuite rentrer chez elle en (se) racontant que l'effrontée a cherché à lui infliger le camouflet de sa vie, mue sans doute par un réflexe sadique tout à fait atavique et/ou un complexe de supériorité avéré.

J'ai une amie très proche qui me lit. Elle me connaît par cœur. Si je lui raconte ça au téléphone, elle me dira avec raison : "elle ne t'a peut-être pas vue ?". Mais mon amie constate ceci : lorsqu'elle me lit, elle n'a pas cette distance. Elle sirote ma prose sans voir ce qu'elle décèle aisément dans nos conversations informelles (à savoir : mon prisme paranoïde). J'arrive donc ici sans peine à faire passer des vessies pour des lanternes. Après tout, je prends bien mon nombril pour un encrier.

Ce qui pouvait arriver arriva : Violette m'écrivit en toute bonne foi pour m'expliquer qu'elle ne s'en souvenait pas mais moi, j'avais déjà pondu un billet sur - entre autres choses - "comment qu'elle se la pète celle-là". Je sais que son image dans mon blog, elle s'en tamponne sévère et elle a bien raison. En outre elle ne me demanda rien. Elle voulait juste me dire "hé, désolée, je t'ai pas vue ce soir-là".

C'est là que je suis embêtée. Je me retrouve dans cette position étrange : je ne regrette pas ce que j'ai écrit car je l'ai vécu comme ça. Mon compte rendu me semble fidèle à mes impressions, c'est pourquoi je ne veux point le modifier. Mais je culpabilise de dépeindre ainsi cette personne, en la faisant passer pour ce qu'elle n'est pas.

Gardez à l'esprit, quand vous parcourez mes billets d'un œil distrait, que vous avez affaire à une blogueuse qui, par une belle nuit de printemps, s'identifia à l'héroïne du livre de Lacan, De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité. Cette nuit-là, elle n'en dormit pas. Elle téléphona à un ami insomniaque qui voulut bien vérifier avec elle la pertinence de ce rapprochement, point par point.

J'ai consulté, vous pensez. Le diagnostic est tombé : ce n'était qu'une névrose de rien du tout (et une drôle de lecture). Ensuite j'ai ouvert un blog. J'ai arrêté le psy quand je me suis rendue compte que je venais lui raconter mes billets.

En ce sens, vous naviguez sur un blog thérapeutique. Mes récits ont pris le relais de ces causeries sur fauteuil. Je publie généralement deux fois par semaine, au rythme donc de ces séances de naguère. Lorsque j'écris, j'essaie d'être au plus près de ce que je pense et ressens, ce qui a parfois pour conséquence d'éloigner fortement mes dires de la réalité toute crue (vous savez, celle qui gigote hors des regards). Mais trève de tout cela. Réjouissances en vue : je dois filer poster une boîte vide, acheter 16 verrines et surtout fêter le retour de Nefisa en pays pâtissier.

22 commentaires:

Yibus a dit…

J'ai une grave question à la suite de cette très honnête séance de canapé : tu comptes les payer comment, tes lecteurs ?
Liquide, Paypad et carte bleue acceptés (pour ce qui me concerne).

Dorham a dit…

Pffffiou,
tout ça ?

Au moins, tu n'es pas sécable comme ta palme, ou comme ton serviteur...

Anonyme a dit…

Je ne saisis pas tout, les classements , les blogs tendance, ça me rappelle trop l'école, avec les populaires, et les livrets d'évaluations, mais peu importe, je trouve ça drôlement bien vu et honnête. (bien écrit aussi) Et l'image du nombril-encrier est tout simplement lumineuse.

Fab-Fab a dit…

Je plussoie abs pour la métaphore du nombril/encrier! Très bien vu!

J'espère juste qu'il s'agit bien d'une métaphore et que je n'emploie pas ce terme improprement, sans quoi Didier Goux va encore saisir la balle au bond pour pousser une gueulante...
:-)

Anonyme a dit…

Le bonheur est dans le blog.
J'aime beaucoup cette idée de dissociation. J'aime aussi cette idée que quelqu'un puisse essayer de transmettre au plus près. Je ne suis pas certaine que cela soit important de dire si tu es proche ou pas de la feuille.

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour ce billet. Et pour ce joli titre aussi.
Ce genre d'attitude, qui est la tienne aujourd'hui, est très rare sur "la blogosphère que je fréquente habituellement".

Et je ne m'en tamponne pas du tout, de mon image sur ce blog, sinon je ne t'aurais pas écrit.
Je trouvais tes écrits injustes, mais totalement excusables, car moi aussi, je me rends compte en te lisant, que j'ai dû blesser quelques personnes, à travers mes mots.

Ce qui est drôle (ou pas trop, d'ailleurs), c'est que demain j'ai programmé un billet où je lance quelques piques à une blogueuse "pipolisée" (Mon Dieu, quelle horreur, dans quel monde vivons-nous ?), réputée pour son impolitesse.

Elle, elle ne dit jamais bonjour. Et ce n'est pas à cause d'un problème d'environnement bruyant ou de myopie...

Anonyme a dit…

Ouais ! Le nombril encrier (quatrième voix pour) et la réalité qui gigote toute crue, excellentissimes !

Audine a dit…

On se prend un pseudo, les choses sont claires : on n'est plus la Jacqueline Dubois qu'on est dans la soi disante "vraie" vie.
Tout en ayant beaucoup d'elle.
Va savoir.
Ce que je veux dire, c'est qu'écrire donne le droit de s'inventer (ou quelque chose comme ça).
Dit elle en s'apercevant qu'elle s'apprête à boire une tisane Après Repas (la verte, celle alternée avec la bleue Nuit Tranquille) dans laquelle elle a oublié de mettre le sachet.

Anonyme a dit…

titre trés brassens.Ah et prend pas la tête avec les zinfluents

Anonyme a dit…

stop en voulant, faire un jeu de mot tu as travesti la vérité historique, vestiaire était ouvert puisqu'il y avait des "femmes avec des mains pleines de cintres"

Balmeyer a dit…

Bonne remarque de Yibus. Pense aussi à nous rémunérer même quand tu ne postes pas de billet, c'est important.

Sinon, avec le mal de tête tout bloguesque qui m'accable, je serais incapable de commenter même un paquet de chips, aussi je dis juste que c'est chouette de ta part de reconnaitre une erreur de jugement.

Moi je t'ai toujours dit "bonjour", même en soirée, même plusieurs fois de suite, même tout le temps, même que tu m'as dit : "Mais t'arrête de me dire bonjour tout le temps, espèce de taré ???"

mtislav a dit…

Vous n'avez pas l'impression que la fonction "lien vers ce message blog" déconne à plein tube en ce moment ?

Moitessier, ce n'est pas ce navigateur qui a continué la course autour du monde une fois qu'elle était terminée ? La même idée qui parcourt ton texte, poursuivre sa cure ailleurs même terminée, saluer quelqu'un une fois que l'occasion qui nous en est donnée s'est éclipsée, continuer de bouger après avoir touché l'autre...

Marie-Georges a dit…

Yibus,
Je ne paie que ceux qui, en bon psy, ne commentent pas et font "mmmh oui...?" en me lisant.
Dorham,
Tout ça quoi ? J'ai dépassé le quota de mots ? Il est où mon serviteur sécable au fait ?
abs,
Oh merci du compliment. Quant au goût pour l'évaluation - miam - ça doit être une déformation professionnelle (Non, je déteste ça tout autant à l'école !)
Fab-Fab,
Ne crains pas le courroux du Goux. Tu pourras lui rétorquer, au pire : "Métaphore et ta ceinture dorée", il appréciera.
Soleildebrousse,
Idem, j'adore cette impossibilité-là. Décrire, narrer au plus près, et m'apercevoir que je suis à côté de la plaque. (Ça je le sais déjà avant de commencer, mais la surprise réside dans la forme que va revêtir le ratage)
Violette,
Bienvenue ! Rare je ne sais pas ; tu vois bien, en même temps, l'odieuse manière de me déculpabiliser :P
Ta blogueuse est peut-être aphone ?
Clarinesse,
Merci beaucoup :)
Audine,
La tisane sans tisane, il fallait l'inventer. Un produit marketing digne de notre époque, je trouve. "Enfin une tisane pour les allergiques à la tisane".
Romain,
Brassens oui bien vu, c'était en effet voulu. Zinfluent ou pas, si prise de tête il y a dans mon billet, elle n'a rien à voir avec la zinfluence de la personne en fait.
Je regrette : des dames au vestiaire les mains pleines de cintres mais qui ne prenaient pas les manteaux, voilà la vérité historique ! Une sorte de vestiaire ouvert mais qui ne fonctionne pas, pour être exacte.
Balmeyer,
En même temps, commenter un paquet de chips n'est pas si simple. Arrête d'écrire des trucs pareils parce que du coup j'essaie de le faire dans ma tête, c'est malin.
Mtislav,
(Tu parles bien de cette fonction qui ne marche jamais ?)
Constat terrible et juste...

Didier Goux a dit…

Eh bien, voilà, rien à ajouter : tout le malentendu bloguesque est exposé ici. Peut-on y échapper ? Je ne crois pas, malheureusement. Il reste à tirer les conséquences de cela.

(Et ravi d'avoir passé cette soirée d'hier en votre compagnie.)

Zoridae a dit…

Bravo, c'est beau de savoir reconnaître tout cela, avec justesse et sincérité...

Le titre et l'encrier-nombril sont magnifiques !

Marie-Georges a dit…

Didier Goux,
Ou un malentendu hors blog qui fait écrire des bêtises après... (ravie aussi, j'ai passé une très bonne soirée !)
Zoridae,
Merci :)

noèse cogite a dit…

J'ai souvent ressenti aussi très fort, un regard qui ne s'est pas posé et ai même fait des changements ds ma vie suite à ces séries d'inconforts,qui au bout du compte ont été bénéfiques.
L'instinct p-ê bestial mais il ns protège.
Bcp aimé.

Anonyme a dit…

"Tout a déjà été dit", mais tout réside dans la manière et l'art de le dire.
Bien belle manière.

Le_M_Poireau a dit…

Tout le problème de la réalité c'est qu'il semble que nous ayons chacun la notre. Quand je lis une de tes séances écrites en guise de divan, j'y vois quelque chose qui se rattache à ma propre vie alors que tu ne la connais en rien (ou presque !).
Nous vivons séparés mais reliés...
:-))

[L'autofiction est-elle une reconstruction de soi ? :-] ].

Le coucou a dit…

En effet tout est dit, sauf vous faire part de mon plaisir à vous lire, comme d'habitude.

Mlle ciguë a dit…

Bah! On en est tous là ma bonne dame!
...
Enfin, moi du moins...

Anonyme a dit…

"... de la réalité toute crue (vous savez, celle qui gigote hors des regards)"

Allusion de physique quantique volontaire ou simple relativisation du sentiment ?

Marie George ! Révèle au monde ta culture physique !