mercredi 16 septembre 2009

Au fête !

Watteau, Les bergers, 1717

Empêtrée dans mes démêlés professionnels avec la maison qui rend fou, j'allais oublier d'établir un compte rendu de la big teuf du Kremlin, au 27 (ou l'inverse). J'avoue avoir manqué à tous mes devoirs de vacances. Heureusement, les collègues blogueurs ont sacrément bien fait le job avant moi. Y'a qu'à voir quel arbre majestueux notre écureuil a créé à partir de tout cela. Sans vouloir entamer un compte rendu des comptes rendus, après lecture je trouve que j'ai rudement bien fait de mettre ma robe décolletée ce soir-là.
Tout a été dit, donc. Il me reste à me démarquer comme je peux, en me prenant pour la Queneau de la Comète. Voici donc mon exercice de style sur le thème du KdB :

Interjections
Hey ! Smuak ! Hihi ! Hmm ? Aaaaaah ! tchin ! Gloups ! héhé ! oh ?! youhou ! Glouglou ! Héhé ! Euh ?! Ah ! Hihi !

Contexte verbal des interjections (développement)
moi - Heeeeey ! Salut ! Ca fait trop plaisir de te revoir ! Rrrroh et toi, t'es toujours aussi belle, smuak, smuak ! Hé, je te connais, toi ! Pis toi !
- Marie-Georges ? Bonsoir !
- Euh ?
- Je me présente : je ne suis pas connu, je tiens un blog de cuisine landaise très peu fréquenté.
- Ah ? Hum, c'est... Chouette... (Nicolas commente même dans les blogs cuisine ?! Mais quand dort-il, cet homme-là ?)
- Coucou MG !
- Youpi, t'es là aussi ! Heyyy, bonsoir, toi, ça fait longtemps !
- Oui ! Bonsoir, euh... Euh... ?
- Sacrée toi ! Mais si : la soirée Elle où on ne s'est jamais vues, la République des blogs où l'on s'est enfin rencontrées...
- Ah oui, ça me revient !
- Rrrrroh et toi, là, toi, t'es célèbre ! Je t'ai vue à la télé !
- Oui. Tu sais que tu es un des premiers blogs que j'ai lus ?
- Aga ? Enfin je veux dire : ah bon ? Héhé... Eh vous avez entendu, là, tous, hein !
- Bon je t'offre un verre ? Tchin, Marie-Georges, hein !
- Ouééé, tchin à tous ! Mais, mais... Quelqu'un peut-il me montrer où est le héros de cette soirée ?
- Je suis là.
- Oooooh ! Je, euh c'est euh salutbonsoir hihi hum damned, je suis impressionnée...

J'en perdis momentanément la voix. Voilà ! J'en ai fini avec mon extrait sonore scrupuleusement transcrit. On a causé de plein de choses aussi, de supermarchés et de numéros. C'était rudement intéressant et réjouissant de trinquer avec autant de blogueurs en même temps. Seul bémol : j'étais venue pile poil pour le dessert mais ce soir-là c'était un menu sans dessert. C'est bête.

lundi 14 septembre 2009

Naturellement riche en psy

Poussin, L'enlèvement des Sabines, 1640

Comme d'habitude, j'ai voulu acheter une margarine en barquette qui ne parle pas d'artères. J'ai pas trouvé. On ne peut plus tartiner tranquille en ce bas monde, ni déjeuner sans avoir à penser à l'état de la tuyauterie interne. A les croire qui plus est, il suffirait d'avaler quotidiennement des louches de matières grasses végétales pour vivre centenaire.

J'en ai marre de m'écouter râler au rayon frais mais il faut bien l'avouer : tout m'énerve. Sauf certains trucs bêtes, comme la taille visiblement insuffisante de la serpillière que je viens de placer sous mon vasistas afin de recueillir la pluie qui traverse ce dernier avec une facilité déconcertante. Entendre les gouttes s'écraser sur le parquet a quelque chose de relaxant. Ça me calme au moins jusqu'au moment où je me promène en chaussettes.

Le spectacle de parents se plaignant chaque matin parce que l'école exige que leurs mômes se présentent avant 8h30 a-t-il contribué à mon irritabilité patente ? Le fait d'avoir été accusée de cacher des cas de grippe A dans le but probable de contaminer l'ensemble des élèves est-il pour quelque chose dans mon léger mal-être ? Voir les incessantes bagarres d'enfants - guerre de quartiers oblige - se poursuivre entre adultes à la sortie de l'école devant d'autres grandes personnes filmant la scène au téléphone portable est-il sans conséquence pour ma santé mentale ? Je me demande. En tout cas mes revendications d'enseignante commencent à évoluer. Je vais en toucher deux mots à mes chefs, tiens :

"Chère hiérarchie du très-haut, Je voudrais savoir comment aider les enfants en difficulté scolaire qui ne dorment pas suffisamment la nuit et vivent dans des contextes violents. Je vous remercie de m'avoir mise en lien avec la psychologue qui travaille dans les six écoles du secteur. En auriez-vous d'autres en stock que nous pourrions par exemple mettre dans les cartables ou distribuer à la sortie de l'école ? En attendant que vous donniez suite à ma demande, je vais relire la circulaire sur les aides possibles. Veuillez bien vouloir croire en l'expression de mes salutations respectueuses les meilleures. Marie-Georges Prof. PS : Je me suis lavé les mains avant d'écrire cette lettre."

Le croirez-vous ? La réponse était inscrite en lettres d'or dans la circulaire ministérielle :

« dès qu’un élève rencontre une difficulté dans ses apprentissages, les aides nécessaires doivent lui être apportées dans le cadre du service public d’éducation »


Je commence à comprendre pourquoi je termine ma journée en scrutant le rayon beurre d'un œil vindicatif. La circulaire est à l'école publique ce que la barquette est à la margarine : une promesse difficilement tenable.

lundi 7 septembre 2009

Année ionescolaire

Les frères Limbourg, Les très riches heures du duc de Berry, juillet, 1416

Cette année, affublée une fois de plus d'un poste saucissonné, j'ai effectué ma pré-rentrée dans trois écoles. Un bien beau puzzle s'annonçait : CM2 le lundi, CP le mardi, CE1 le jeudi et un autre CM2 le vendredi.
On appelle ce poste un quatre quarts temps. C'est un plein temps, mais plutôt en aggloméré qu'en chêne massif. L'an dernier j'avais déjà goûté à cette formidable fonction de bouche-trou rotatif de l'Education nationale inventée en dépit de la santé mentale de ceux qui l'exercent.
Le lendemain de cette pré-rentrée, je décidai d'aller chercher un formulaire au rectorat pour demander l'autorisation de partir en courant.

Rectorat, bureau 356
- Bonjour, j'aimerais solliciter une mise en disponibilité pour cette année.
- Ah ? Et vous avez un motif ?
- Oui : je préfère être serveuse en pizzeria plutôt que d'enseigner un an de plus en quatre quarts temps. Quelle est la marche à suivre ?
- Une lettre manuscrite suffit. Mais avant, s'il s'agit d'un problème d'affectation, allez voir monsieur D. ; il peut peut-être quelque chose pour vous. Ce serait dommage de vous mettre en dispo sur un coup de tête : vous perdriez votre salaire, quand même...
- Monsieur D. ? Le monsieur qui n'a jamais répondu à mon mail ni au syndicat par qui j'ai fait suivre ma demande, est visible ? Dans ce cas, je veux bien le voir.

Rectorat, bureau 363
- Bonjour, je suis mademoiselle Profonde, je vous ai écrit au sujet du quatre quarts temps que je ne veux pas faire.
- Oui, ah ! Justement, j'étais en train de chercher dans mes mails... Vous tombez bien. Vous allez pouvoir répondre directement à ma question. Aviez-vous demandé un quatre quarts temps lors de la saisie de vos vœux ?
- Figurez-vous que non, d'où ma démarche.
- Vous ne vous êtes pas portée volontaire ?
- Pas le moins du monde.
- Non parce que, parfois, certains en font la demande...
- Chacun ses névroses.
- Oh ce n'est pas si bête vous savez, c'est une stratégie pour avoir les quatre points bonus qui permettent à terme d'obtenir un poste.
- Ah oui, je les ai eus, ceux-là. Voyez comme ça m'a servi ! Au fait, est-ce que j'en garde le "bénéfice" cette année ?
- Non.
- Trop dommage (je me demande si ça se vend sur e-bay ?). Écoutez-moi bien : je suis venue pour une dispo. Je ne veux pas travailler un an de plus comme quatre quarts temps, j'aime encore mieux pointer à l'ANPE.
- Ne faites pas ça, vous perdriez votre salaire...
- Vous avez raison : je ne pourrais plus payer ma psychothérapie. D'un autre côté, l'origine de mes troubles disparaîtrait aussi.
- Écoutez, nous allons arranger cela. C'est une erreur de notre part ; nous n'affectons pas un professeur deux ans de suite sur un quatre quarts temps s'il n'en a pas exprimé le souhait. Mais vous auriez dû venir dès réception de votre affectation : nous l'aurions changée et cela vous aurait évité bien du stress...
- Vous m'avez envoyé ma nouvelle affectation le jour de votre fermeture.
- Vous auriez dû venir dès la réouverture, cela vous aurait évité bien du stress...
- C'est vrai qu'au lieu d'angoisser durant un mois et demi, cela aurait ramené mon stress à un tout petit mois. J'aurais dû attendre la réouverture du rectorat au lieu de partir en vacances.
- Mademoiselle Profonde, vraiment, quand ça se passe comme ça, il faut venir nous voir sans attendre.
- Je le saurai pour l'an prochain.
- J'annule votre affectation (...) Voilà.
- Et maintenant ?
- Vous attendez, et dans quelques temps, vous serez affectée ailleurs.
- Et si je reçois un autre quatre quarts temps ?
- Mais non. Nous ferons attention, vous aurez une classe. Ou deux.
- Ou trois ? Ou QUATRE ?!
- Nous vous assurons que non. Vous aurez... Quelque chose. En ZEP, bien sûr, c'est tout ce qu'il nous reste.
- Vous m'angoissez à la fin ! Je demande juste à savoir quel niveau de classe je vais avoir, si possible un peu avant d'accueillir mes élèves ! La rentrée c'est quand même demain ! Vous me voyez débouler devant une classe de mômes déjà en difficulté, ayant probablement fait leur rentrée avec quelqu'un d'autre, le tout sans aucune préparation ?! Je n'ai pas passé le concours de superhéros, il me semble !
- (après avoir scruté son écran) J'ai un poste pour vous, un instituteur qu'il faudra remplacer toute l'année, à la maternelle Truc-Muche, monsieur B., à partir du 14 septembre.
- Ah, je le connais ! Il a une moyenne section... Bon, je prends.
- Allez vite vous présenter là-bas. Mais avant, passez à l'inspection pour leur dire que c'est vous qui êtes affectée sur ce poste.
- J'y cours. Merci, au revoir !

Bureau 356 (passant ma tête)
- Finalement je reste. Au revoir.

Inspection de l'école Truc-Muche
- Mademoiselle Profonde ?
- (conquérante) Oui, c'est moi !
- Le rectorat vient de m'appeler. Ils vous ont affectée par erreur à un poste déjà pourvu, le remplacement de monsieur B. à Truc-Muche... Il y a déjà quelqu'un...
- C'est pas moi ?
- Monsieur D. m'a dit qu'il avait mal lu l'écran.
- ...
- Asseyez-vous mademoiselle, je vais les appeler. Tiens, c'est occupé. Je rappelle. (...) Tiens, c'est encore occupé. (...)