mercredi 24 juin 2009

Si rose

Bosch, Le jardin des délices (détail), 1504

Vous l'aviez peut-être remarqué.

(sur un air d'Ouvrard)

J'ai la dissert qui déserte
Le billet tout fluet
Le stylo qui prend l'eau
Et les mots ramollos
Ah mon dieu que c'est embêtant d'être une blogueuse qui craque
Ah mon dieu que c'est embêtant du coup c'est moins marrant.

Je n'ai pas de raison extrêmement valable qui viendrait justifier le présent relâchement mais, en attendant d'en trouver une, je vous propose d'accuser un innocent. Voici un poème qui fera l'affaire (oui, c'est de la poésie : y'a des rimes, c'est vous dire si c'est poétique).

Ôde rose

Un soir je t'ai rencontré et
Les billets de mon blog se sont espacés

Je me suis vue noyer ma prose
En prenant une cuite à l'eau de rose

Mignon, allons voir la cirrhose
De mon myocarde qui implose

Depuis qu'une pluie de pétales
Me fit déraper, je m'étale

Mais après tout l'horizontale
N'est-elle pas la position idéale

Sauf pour une douche matinale
Ou avaler notre café sans mal

Qu'importe l'eau qui bout, déjà je brûle
Tu parles, tu souris, je hulule.

samedi 13 juin 2009

Politique, vie et fruits de saison

Dürer, Jeune lièvre, 1502

Mardi dernier, chez le psy.


- "Bonjour. Euh... Euh... (...)
Je vais prendre ma carte dans un parti politique.
- (approbateur) Mmmh.
- Oui parce que, j'en ai marre de me sentir extérieure à tout ce qui se passe, et puis j'ai envie de discuter de perspectives politiques avec des gens, de débattre, d'entendre plusieurs sons de cloche ; pour ça on ne peut pas compter sur les médias.
- Oui.
- Et puis j'en ai marre qu'on me prenne pour une demeurée.
- Mmmh ?
- L'autre jour, une directrice d'école - pas une des miennes, une d'à côté - m'a encore parlé comme à une débile. Je lui exposais un problème tout à fait précis au sujet d'un élève victime d'absence parentale flagrante avec maltraitance. Je lui demandais comment entamer une démarche dans la mesure où nous n'avons plus d'assistante sociale dans l'école cette année. Elle n'a rien trouvé de mieux que de m'expliquer la vie en haussant les épaules : "Ah bin ma pauvre fille, avec notre gouvernement on n'a plus rien alors même si tu trouves une assistante sociale, c'est pas garanti qu'elle puisse s'en occuper. Tu comprends, les gens ont voté pour ça." Ca m'énerve. Je lui ai pas demandé de m'expliquer la politique sarkoziste.
- Elle vous a dit "ma pauvre fille" ?
- Euh. Je crois qu'elle a dit "ma pauvre". N'empêche, c'est gonflant. Avec moi les gens se croient toujours obligés de m'expliquer la vie.
- Non.
- (piquée) Comment ça, non ? Vous êtes censé dire oui, là !
- (indigné) Vous posez une question et vous estimez que la réponse vous est due. Toutes les réponses ne vous sont pas dues.
- (vociférant) Mais pas du tout, je parle d'un problème à résoudre, d'un gamin, et on ne fait rien, on noie le poisson ! Merci docteur, j'étais pas au courant, que toutes les réponses ne me sont pas dues !! Ah voilà, vous aussi vous m'expliquez la vie. Je ne viens pas ici pour ça !
- (posé) Il semble que vous ayez manifestement posé une question qui l'embarrasse. Elle a usé d'un stratagème pour ne pas y répondre. La question est : pourquoi y entendez-vous "ma pauvre fille" ?
- (calmée) Euh. Quand même, on s'adresse souvent à moi sur ce mode-là. Autre exemple : l'autre jour, j'interviens devant l'école (toujours pas la mienne au passage, mais bon, personne ne faisait rien) pour chasser une dizaine de gosses qui s'acharnaient sur un seul élève, prostré contre un mur, en train de pleurer. Je leur dis de rentrer chez eux, certains s'en vont. Un élève reste et agrippe le bras de la victime en lui disant "allez, viens, on s'en va" mais ce dernier résiste. Je lui fais remarquer qu'il n'a visiblement aucune envie de le suivre et lui demande de lui lâcher le bras. Il me répond "Vas-y, tu me parles pas comme ça !". Je l'attrape et le rentre de force dans l'école pour l'asseoir sur un banc et lui rappeler deux ou trois règles de base sur la manière de s'adresser aux adultes.
- (approbateur) Mmmh.
- Une collègue passe et vient jouer les doctorantes en enfantologie : "Ces mômes sont malheureux chez eux, alors ils ne sont pas pressés de rentrer à la maison. Il faut comprendre ça.". Trop sympa de m'expliquer la vie, encore une fois. Il m'a fallu répliquer que je ne chassais pas des gamins par plaisir sadique mais parce qu'ils étaient dix à s'acharner sur leur camarade. Elle a répété sa phrase de bonne âme qui préconise l'absence d'intervention. J'aurais dû les regarder faire avec amour ? Comme si ça leur rendait service !
- Elle avait réagi comment ?
- Elle n'a pas assisté à la scène. Elle m'a juste vue gronder celui que j'avais attrapé.
- C'est un peu la même histoire. Elle ne sait pas quoi faire alors elle vous balance des généralités. Mais vous ! Vous croyez qu'on vous prend pour une "pauvre fille". Il faudrait vous demander ce qui fait que...
- ... Mais évidemment ! Elle a cru bon d'expliquer le métier à la débutante que je suis ! Et puis j'ai d'autres exemples ! C'est une école où les projectiles venant des tours voisines sont monnaie courante, au point qu'ils ont installé des caméras spécialement pour ça. L'autre jour, à la sortie de midi, je discutais avec une de mes élèves sur le perron. Une pêche vient s'écraser sur une marche, juste à mes pieds. Surprise, je m'exclame "mais qu'est-ce que c'est que ça ?!". Une maman, d'un air blasé, me répond "c'est une pêche". Merci madame. Heureusement que vous êtes là pour m'apprendre à reconnaître les végétaux.
- (amusé) Eh bien après tout, votre question était "qu'est-ce que c'est".
- (interloquée) M'enfin, elle trouve ça normal, que les pêches volent bas ?! Mon élève a compris et m'a répondu : "maîtresse, ça vient de cet immeuble-là." Mais la mère... Peut-on être habituée aux pluies de fruits à ce point, jusqu'à dire "Tiens, c'est une pêche" lorsque l'un d'eux percute le sol devant soi ? Y'a pas comme un problème ?
- On se revoit mardi, même heure.
- Oui."

C'est rigolo le psy. J'ai l'impression qu'on débusque des bouts de névrose détalant ça et là, entre deux bosquets de conversation. Un jour je trouverai le terrier de ces maudites bestioles.