Mon blog vient de souffler sa première bougie et moi, ces jours-ci, je joue au bowling avec celles de mon propre gâteau d'anniversaire. La petite fille en moi s'épanouit, à en écraser la femme qui, d'ordinaire, s'évertue à lui marcher sur la tête.
Ça, c'est la faute aux vacances.
A peine arrivée chez mon père, je commençai à sautiller. Intérieurement d'abord, jusqu'à ce que, en montant l'escalier de chêne qui mène aux chambres, je surprenne un singulier mouvement de ressort dans mes jambes. Ces dernières se calaient sur une samba échappée de ma boîte à rythme crânienne, qui martelait un guilleret "mon papaaa, mon papaaa". "Tiens, je suis contente d'être là", remarqua ce qui me restait de sensé.
Depuis que je suis là, la gamine enthousiaste fraîchement débarquée se laisse pousser l'animal de compagnie. Je suis un peu le huitième chat de la maison. Le matin, j'accours pour assister au service de la pâtée. Il faut voir l'embarras de mon père tenant une gamelle géante et s'aventurant d'un pas hésitant sur la terrasse, tandis que des volutes de fourrures circulent autour de ses chevilles en miaulant. L'écuelle une fois déposée, les félins rangés en soleil tout autour, je reprends leurs giries et mon père se retrouve bientôt affublé d'une grande fille ronronnant dans ses pattes.
De temps en temps tout de même, je le laisse pour me poster à l'ordinateur. Mais son répit ne dure jamais bien longtemps.
J'entends la porte d'entrée. Je me dépêche de sortir trottiner derrière lui. Mon père se tient debout devant la mare et semble observer quelque chose. Je me plante à son côté en l'imitant, poings sur les hanches. A cet instant, je réalise les limites de mon entreprise. Je n'ai aucune raison objective de fixer le paysage de la sorte, mais je scrute comme mon père - qui doit certainement savoir ce qu'il fait - en cherchant un indice sur la surface de l'eau. En vain. Je découvre l'existentialisme familial.
Mon père se met à marcher prudemment entre les fleurs et je le suis. Mes pieds se posent sciemment sur les mêmes pierres que les siens. Il y a sans doute mieux à faire mais à ce moment-là, je n'ai aucune envie de quoi que ce soit d'autre qu'être près de lui. Par moments je veux lui parler, alors je l'interroge sur des noms de fleurs, d'arbres, d'animaux alentours. J'essaie de retenir tout ça. Je risque une énième question bête en apercevant un de nos chats roux :
- "C'est qui, lui ?
- C'est Rouquinet.
- Comment tu fais pour distinguer Rouquin, Rouquinet et Chapi ?"
L'œil malicieux de mon père annonce une réponse nébuleuse qui ne tarde pas :
- "C'est simple : ils sont pas pareils."
Demain, je rentre à Paris. Je vous laisse, il faut que j'aille repasser mon costume d'adulte indépendante.
Ça, c'est la faute aux vacances.
A peine arrivée chez mon père, je commençai à sautiller. Intérieurement d'abord, jusqu'à ce que, en montant l'escalier de chêne qui mène aux chambres, je surprenne un singulier mouvement de ressort dans mes jambes. Ces dernières se calaient sur une samba échappée de ma boîte à rythme crânienne, qui martelait un guilleret "mon papaaa, mon papaaa". "Tiens, je suis contente d'être là", remarqua ce qui me restait de sensé.
Depuis que je suis là, la gamine enthousiaste fraîchement débarquée se laisse pousser l'animal de compagnie. Je suis un peu le huitième chat de la maison. Le matin, j'accours pour assister au service de la pâtée. Il faut voir l'embarras de mon père tenant une gamelle géante et s'aventurant d'un pas hésitant sur la terrasse, tandis que des volutes de fourrures circulent autour de ses chevilles en miaulant. L'écuelle une fois déposée, les félins rangés en soleil tout autour, je reprends leurs giries et mon père se retrouve bientôt affublé d'une grande fille ronronnant dans ses pattes.
De temps en temps tout de même, je le laisse pour me poster à l'ordinateur. Mais son répit ne dure jamais bien longtemps.
J'entends la porte d'entrée. Je me dépêche de sortir trottiner derrière lui. Mon père se tient debout devant la mare et semble observer quelque chose. Je me plante à son côté en l'imitant, poings sur les hanches. A cet instant, je réalise les limites de mon entreprise. Je n'ai aucune raison objective de fixer le paysage de la sorte, mais je scrute comme mon père - qui doit certainement savoir ce qu'il fait - en cherchant un indice sur la surface de l'eau. En vain. Je découvre l'existentialisme familial.
Mon père se met à marcher prudemment entre les fleurs et je le suis. Mes pieds se posent sciemment sur les mêmes pierres que les siens. Il y a sans doute mieux à faire mais à ce moment-là, je n'ai aucune envie de quoi que ce soit d'autre qu'être près de lui. Par moments je veux lui parler, alors je l'interroge sur des noms de fleurs, d'arbres, d'animaux alentours. J'essaie de retenir tout ça. Je risque une énième question bête en apercevant un de nos chats roux :
- "C'est qui, lui ?
- C'est Rouquinet.
- Comment tu fais pour distinguer Rouquin, Rouquinet et Chapi ?"
L'œil malicieux de mon père annonce une réponse nébuleuse qui ne tarde pas :
- "C'est simple : ils sont pas pareils."
Demain, je rentre à Paris. Je vous laisse, il faut que j'aille repasser mon costume d'adulte indépendante.
27 commentaires:
Mignon tout plein... Ca me rappelle mes parents qui ont l'habitude d'héberger le chat du voisin, et moi, qui ai l'habitude de lui donner de grands coups de pied dans le ventre. C'est un truc entre nous.
Ah, les filles...
(j'en ai 2, je sais de quoi je parle) :)
C'est beau, c'est tendre. Vous avez raison d'en profiter.
C'est pas beau, de marcher sur la tête des petites filles !
Sinon, excellent texte, belle émotion, contenue juste ce qu'il faut.
Les petites filles jouent souvent à cache-cache derrière des grandes…
:-]
Et moi, je suis sûr que ton père est très fier de te savoir sur ses pieds, tout juste derrière, là comme ça ...
Comment je sais ça ?
C'est normal, ça sert à ça, les pères avec leurs filles :)
arf j'espère que ton retour dans le monde des grands sera pas trop chiant
Très beau texte, mais trop court aussi... Encore !
Homer,
Pauvre chat ! Tu serais pas un peu possessif avec tes parents ? :))
(Merci !)
Dorham,
Malheureux, t'en as pris pour soixante ans au moins ! (Je ne sais pas pourquoi, mais je t'imagine très bien en père-idole, en train de soupirer "Ah, les filles..." tandis qu'elles s'agrippent à ta chemise.)
Catherine,
Oui, mais c'était trop court ! J'ai hâte d'y retourner cet été.
Didier,
Même quand la petite fille est particulièrement envahissante ? Ah bon.
Grand merci !
Monsieur Poireau,
Oui, enfin la mienne elle sait pas bien se planquer, je trouve.
Le petit monde d'Archie,
Alors tout va bien :)
Tu serais pas un peu un père à sa fille, toi, par hasard ? ;)
Gaël,
C'est gentil de t'en enquérir :) En fait ça va quand même ! Surtout que je repars en vacances aujourd'hui alors ma foi...
Zoridae,
Merci ! Trop court je ne sais pas, mais c'est vrai que j'ai vite eu la sensation d'en avoir dit l'essentiel.
est-ce une obligation de repasser ce costume et de le remettre...?
Marie-Georges,
Ouep,
parfois, je joue de la guitare, j'enfile un costard le dimanche après-midi juste pour faire de l'effet, je déprécie les pères des autres petites filles...ce genre de trucs de ritals sans pudeur ni honte.
Mais, je suis aussi le fumeur qui pue avec sa fumée qui pue, va fumer dans le bureau papa tu pues comme un vieux chameau !!!
:)))
Charlemagnet,
Pour survivre en milieu parisien, sans nul doute.
Dorham,
C'est bien ce que je pensais :))
Note qu'un papa qui ne pue pas la cigarette, pour moi, c'est pas un vrai papa. Le mien est aux Gitanes depuis toujours, alors j'ai eu ma phase "tu pues" et maintenant ça vire limite à "ça pue comme j'aime". Si c'est pas malheureux ! Fumer tue... l'entendement des filles à leur papa !
Je note que mon père, bien que né sous nationalité italienne, ne met pas de costard le dimanche. Il faudra que je lui en parle.
Oh, tu sais, y a pas de marque de fabrique, mon vieux, pour lui, le rital du dimanche doit porter une survète moche et biner son jardin en tentant d'ignorer la mauvaise humeur de sa femme qui vient de rater son énième cuisson d'Osso Bucco !
Le fils joue de la gratte en haut, le benjamin joue au basket dans sa piaule en chatant avec des filles pas farouches.
L'ainée lit Dostoïevski en se demandant ce qui lui vaut une famille aussi tarée que la sienne.
Ah, survêtement et jardin, nous y sommes. Forcément, en tant que version parisienne, tu te dois de donner le change en costard !
Une bien belle description de la maisonnée de par chez toi. Si j'osais, je t'en demanderais un billet. Dis... ?
Oui tiens, pourquoi pas.
Mais en ce moment, je prépare un petit billet telenovela !
c'est tout mignon tout plein.
Un papa, ça sera toujours un papa, ce personnage qu'on regarde avec les yeux fiers de l'enfant de son papa.
et c'est ce qui nous motive, nous les hommes, à faire des enfants.
maintenant faut juste que je me rappelle ce qui me motive de les élever...
Toujours le même plaisir à vous lire. je vais raconter ça à ma chatte rousse qui dort sur le fauteuil à côté (quand elle se réveillera, parce qu'elle a un sale caractère, parfois).
Ton texte est émouvant et je t'envie...
Je ne me lasse pas du titre et de la morale.
Heu, je passais... J'ai laissé un mot sur le tout premier billet...
C'est bon d'être une gamine sous protection paternelle parfois ! :-)
C'est tendre et filial. C'est comme ça les filles.
Une larme qui monte, à l'évocation de mon papa, ce n'est pas de ta faute, et puis, c'est une larme douce.
Tant et tant de souvenirs d'enfance qui reviennent, toujours avec lui quand il s'agissait de promenade, de jeux sur les chemins qui nous ramenaient à la maison et qui, en jouant, paraissaient moins longs.
La petite fille qui vit en nous à la vie dure.
J'ai toujours autant de plaisir à vous lire, bonne continuation
C'est pas parce que tu souffles ta premiere bougie que tu dois t'essouffler!
Qu'est-ce qu'on lit nous? Tu n'ecris plus de billet et y'a plus de lumiere!!
cela prouve que vous avez du coeur
ça doit être le pied de metre son pied dans les empruntes de pieds de son père pour le voir prendre son pied avec ses chats et sa fille à ses pieds.
Un pied que je n'aurai jamais, mais c'est le pied de savoir que ça existe, bien que c'est aussi le pied de s'inventer un père voire plusieurs pour augmenter son pied à défaut du pied que l'on aura jamais.
Enregistrer un commentaire